Du FN (12)

jeudi 5 juillet 2012
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Avec beaucoup d’intérêt je lis les contributions à la discussion pour les Rencontres de Rouges Vifs. Bien que non membre de Rouges Vifs ou d’une autre organisation (autre que syndicale) je me permets d’y participer pour interroger la question du Front National (du vote FN), question qui revient assez régulièrement sous des formes que je dirai rapides et trop simples.

Pour certains, récupérer le concept de la Nation permettrait d’arracher au FN un argument porteur de voix …… électorales. Pourquoi pas ! Encore faudrait-il interroger le concept de Nation. Qu’est ce que la Nation ? Une identité commune à des individus sur un territoire commun ? Une langue commune ? Une histoire commune ? Un processus historique, complexe et contradictoire ?

Depuis la révolution française (à l’exception de la constitution de 1793 et de la période de la Commune de Paris), la Nation est constitutive de la citoyenneté, c’est-à-dire ne peut être citoyen celui ou celle qui n’est pas français, qui n’appartient pas au corpus social et culturel français, lequel s’est construit à travers les siècles. Pour être citoyen, il faut être français. C’est sous ce principe que la France a considéré les habitants des colonies comme des non citoyens, c’est sous ce principe que le régime de Vichy à établit une hiérarchie (de courte durée) entre juifs de « souche » et juifs étrangers. C’est sous ce principe que les étrangers n’ont toujours pas le droit de vote, bien qu’étant contributeurs de richesses par leur travail (donc de profits), leurs impôts…( donc nos écoles, nos hôpitaux, …... )

Aujourd’hui encore, le regard porté par l’idéologie dominante (à laquelle appartient le FN) sur les jeunes dits « issus de l’immigration » (le fait de les nommer toujours ainsi manifeste bien une volonté politique de les ramener à la condition de l’étranger) témoigne de cette confusion idéologique.

Pour être dans l’actualité, le « débat » sur l’équipe de France de football témoigne de cela. Que dit-on à ce propos. Que « nos » (ils sont la propriété de la France) joueurs ne chantent pas la Marseillaise, qu’ils ne sont pas éduqués, qu’ils ne respectent pas les couleurs du drapeau, le maillot… Des expressions comme caïds des cités sont utilisées au cas où l’on aurait pas bien compris de qui l’on parlait. Et même un entraineur, L. Blanc, se permettait de corroborer les propos de Georges Frêche (alors PS), indiquant que le problème de l’Equipe de France c’était d’avoir trop de Blacks (noirs aurait été considéré comme injurieux alors Blacks sonne mieux). Paroles jamais démenties qui n’ont fait l’objet d’aucun commentaires politiques ni de sanctions.

Sans doute certains diront que cela est anecdotique, que c’est une opération médiatique de diversion… Peut être… Mais, dans le même temps, elle révèle un discours politique , donc idéologique qui traverse toute la société, toutes les activités sociales de cette même société . ( ne pas oublier qu’un match de l’équipe de France rassemble 12 millions de téléspectateurs)

Je pourrais citer d’autres exemples qui témoignent de cette politique qui consiste à dire il y a Nous et les Autres.. Nous les français, et les Autres, tous les autres, ….Tous les thèmes comme la laïcité, la délinquance ( le gouvernement actuel a maintenu le lien entre immigration et sécurité, compétences du Ministère de l’Intérieur), la violence, le machisme, sont instrumentalisés pour bien marquer la différence entre Eux et Nous (on a été même à dire que M.Merah, portait une djellaba lors de l’assaut à Toulouse pour bien signifier qu’il n’appartenait pas à l’ensemble France…. dixit Gueant.).

Invoquer la Nation sans interroger la citoyenneté, politique, sociale, économique, n’a pas de sens. Ce serait valider l’idée que l’un conditionne l’autre. Ce serait valider le discours dominant, y compris celui du FN.

La crise du capitalisme est si violente, si destructrice qu’il est plus simple de chercher le bouc émissaire que de s’attaquer aux racines. Par exemple, à l’issue des présidentielles et législatives, nombre de politologues, de Think Thanks ( y compris de « gauche ») ont beaucoup insisté sur la césure qui existerait entre les quartiers populaires des villes de banlieues et les villes périurbaines. Le premier est composé majoritairement de pauvres (chômeurs, temps partiels …. et « d’apparence musulmane », qui ne votent plus), les autres de couches moyennes, propriétaires de petits pavillons, mais isolés , sans services publics.., et qui votent encore.

Il s’avère que le FN est assez puissant chez les seconds. Aussi, nombre de discours sont prononcés pour dire que l’enjeu électoral est de fournir des réponses aux questions que soulèvent le vote FN validant, ainsi la fameuse phrase de Fabius, « le FN pose de bonnes questions mais apportent de mauvaises réponse ». Serait légitime alors, le discours sur « ils ont droit à tout et nous, les français à rien ».

Pour d’autres, il s’agirait de s’approprier le débat sur la question européenne en affirmant haut et fort une opposition à l’UE et l’euro et ne pas laisser ce débat au FN. (avec même le rétablissement des frontières nationales). L’aborder ainsi consisterait à considérer que l’Europe a permis l’abandon de la Nation. Aussi rapidement posé, cela reviendrait à dire que la Nation serait menacée par l’UE. C’est sur de tels raccourcis que surfe le FN dans son opposition à l’UE et à l’Euro.

L’opposition à l’Europe que manifeste le FN ( alors que son projet économique est tout à fait libéral et en faveur du grand capital) lui permet de développer son discours sur la préférence (désormais priorité) nationale pour l’emploi, la sécurité sociale, le logement….. En jouant la carte anti-euro, le FN joue la carte de la défense de la Nation, des français, maintenant ainsi le lien entre citoyenneté et nationalité, en opposant les travailleurs, la classe ouvrière …un classique du capital..

Son opposition à l’Europe, lui permet de développer ses armes contre « l’immigration massive », contre la perte de l’identité française, la culture française, pour la laïcité (la sienne). De même, le gouvernement de Sarkozy a contribué à ce discours à propos des Rroms, des Roumains, des Grecs (incapable de gérer les flux migratoires – et Valls dit la même chose aujourd’hui) et le refus de la classe politique, dans son ensemble, de l’entrée de la Turquie dans l’UE s’appuie sur des dénominateurs culturels.( cela n’est pas valable pour l’OTAN, voir Fabius aujourd’hui à propos de l’avion turc abattu par la Syrie). N’était il pas question, lors de la négociation sur le TCE (présidé par Giscard) d’introduire l’idée que l’Europe est de culture chrétienne !

Ne pas interroger le contenu politique, économique de l’Europe serait aussi valider le discours dominant, y compris celui du FN. Tardivement (à l’issue du second tour des élections législatives 2012), l’Humanité a publié les votes du FN quand celui-ci avait des députés à l’Assemblée Nationale, de 1986 à 1988. Le FN a toujours voté contre les travailleurs, les ouvriers, pour le patronat.

La question du vote FN ne peut donc se réduire, sous peine de lui donner raison, à se réapproprier le discours sur la Nation et le discours pour la sortie de l’Euro, de l’UE. Si de telles propositions ne sont pas sous tendues par une analyse politique, économique, sociale, de classe, si elles n’interrogent pas la démocratie, le contenu de la citoyenneté, elles ne peuvent que conforter l’idéologie dominante et renforcer la droitisation de la société, dans son ensemble et de fait le FN.

En 1982, à l’usine d’Aulnay sous bois (Citroën) les OS se sont massivement mis en grève pour leurs conditions de travail et leurs salaires. La CGT était fortement implantée.
Le syndicat patronal de l’époque, la CSL (les fameux truands du patronat) a mené une bataille politique répétant sans cesse que les « meneurs » des grévistes étaient des intégristes.

Pierre Mauroy, Premier Ministre du gouvernement de gauche (4 ministres communistes) a conforté le propos de la CSL et la grève fut cassée par un discours politique (et les silences du PCF, solidaire du gouvernement) qui ne voulait pas que les OS, que les travailleurs fassent entendre leur voix. C’était sous la gauche et non loin de là, le FN avec JP Stirbois était élu Maire Adjoint de Dreux avec le RPR. Les OS étaient pour la plupart, si ce n’est tous, des ouvriers marocains.

Christian Leblanc
Membre du PCF de 1970 à 1986



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