Amazon créée 1000 emplois. Mais combien en détruit-elle ?

jeudi 28 juin 2012
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Le géant américain de la vente en ligne a choisi la Saône-et-Loire pour installer son troisième centre de distribution sur le territoire, annonçant ainsi la création de plusieurs centaines d’emplois dans cette région sinistrée. Mais à quel prix ? Entre autres, celui de consolider un peu plus ce prédateur qui déstabilise l’industrie du livre en France.

Amazon s’installe à Chalon-sur-saône. L’arrivée d’un troisième centre de distribution du géant américain du commerce en ligne a été célébrée par le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, lundi. Il s’est rendu sur place, accompagné de Frédéric Duval, directeur des opérations logistiques d’Amazon France, pour en faire l’annonce. L’implantation de cette plate-forme logistique de 40 000 m2 doit permettre la création de 500 à 1000 emplois dans la région, dont 400 contrats à durée déterminée maximum et 600 emplois d’intérimaires. Le montant de l’aide publique versée pour chaque emploi créé sera d’environ 20 000 euros. « Aujourd’hui la Saône-et-Loire conforte son industrie et investi aussi dans l’économie de loisirs et la culture. Après la tempête voici le printemps et le renouveau, » a déclaré Arnaud Montebourg.

Il faut se féliciter d’apprendre que cette ville de 45 000 habitants va se doter, d’ici à septembre, d’une structure dynamisant l’emploi dans une région habituée aux plans sociaux. Ceci dit, le développement croissant des activités d’Amazon en France n’augure rien de bon pour l’emploi et « la culture », chers à Arnaud Montebourg. Car, derrière les emplois crées par Amazon qui, rappelons-le, bénéficiera d’aides publiques en échange de sa bienveillance, il y a la face cachée. Celle d’une entreprise que rien n’arrête dans sa course à l’hégémonie.

Concurrence déloyale

La société créée par l’entrepreneur Américain, Jeff Bezos, vend aujourd’hui tous types de produits, de la literie aux vêtements d’enfants en passant par les disques, les DVD et les produits informatiques. Mais son activité principale demeure la vente de livres en ligne. Et à ce jeu là, Amazon écrase tout sur son passage. Aux Etats-Unis, où le premier site est mis en ligne en 1995, les acteurs de l’industrie du livre savent de quoi il retourne. A titre d’exemple, la grande chaîne américaine Borders a fermé plus de 200 grandes surfaces en 2010 avant de faire faillite. En France, c’est la librairie en ligne française Bibliosurf qui a jeté l’éponge, cinq ans après son lancement, fin 2011. En cause : les prix pratiqués par Amazon.

Désormais, se sont les libraires qui se sentent menacés. Ce sentiment tient à un constat simple : les librairies en ligne se sont emparées de plus de 11 % du marché du livre français en 2010 et s’imposent de plus en plus dans le circuit de l’occasion ; or les professionnels considèrent qu’Amazon totalise 80% au moins du chiffre d’affaires de la vente en ligne. En intégrant les frais de livraison dans le prix de vente et en proposant à ses clients systématiquement des livres d’occasion à prix cassés Amazon pratique selon eux une concurrence déloyale. Beaucoup de librairies ont ainsi dû mettre la clé sous la porte ces dernières années, comme le laisse entendre Vincent Monadé, président du MOTif, dans une tribune publiée en 2011, intitulée « Amazon m’a tuer ». Il y aurait danger à ce que les librairies disparaissent les unes après les autres de nos villes car, en effet, celles-ci sont indispensables à la diffusion du livre et participent à faire découvrir de nouveaux auteurs ainsi qu’une littérature exigeante, soigneusement selectionnée par les libraires eux-mêmes.

L’autre crainte des libraires : le développement du livre numérique, domaine dans lequel Amazon pourrait détenir une position quasi monopolistique, grâce notamment aux procédures en cours aux Etats-Unis pour soupçons d’entente illégale entre les grands éditeurs américains et le concurrent direct d’Amazon dans la vente en ligne, Apple. Ces soupçons reposent sur des contrats de mandat que les éditeurs ont fait signer en 2010 aux revendeurs de livre numérique afin de réguler le marché. S’ils sont avérés, Amazon pourrait reprendre sa guerre des prix…

"marché fermé et exclusif"

Sa situation de monopole pourrait aussi être favorisée par sa liseuse Kindle. L’utilisation de la liseuse d’Amazon et le téléchargement de livre numérique restent encore limités en France - moins de 1 % de livres téléchargés en 2011 -. En revanche, outre-Atlantique, le Kindle fait un tabac et séduit d’abord de gros lecteurs dont le budget en librairie s’est effondré. D’autre part, comme le souligne Livres Hebdo, daté de mai 2012, « en cassant les prix (…) et en ajoutant un système de contrôle de droits propre à son Kindle, Amazon s’est constitué à une vitesse foudroyante un vrai marché fermé et exclusif. » Cela signifie qu’il est impossible de lire des ebooks sur une autre liseuse que celle d’Amazon, tout comme il n’est pas possible de lire sur le Kindle des livres numériques achetés sur un autre site …

Bien que des résistances culturelles persistent en France sur l’usage des livres numériques, ce marché risque de se développer plus vite qu’il n’y paraît. Et Amazon se place déjà en pôle position. Si le marché venait à se développer, nul doute qu’Amazon occuperait tout le terrain, déstabilisant le secteur et en premier lieu les libraires et les éditeurs.

A ces diverses éléments s’ajoute un autre qui aurait dû conduire M. Montebourg à plus de discrétion dans l’expression de son enthousiasme. En effet, Amazon n’est pas connu pour être un exemple en matière fiscale. Pour ses activités européennes, l’entreprise a en effet élu domicile au Luxembourg. Une combine [1] qui lui permet de bénéficier d’un impôt sur les sociétés allégé : 21,8% là-bas contre les 33,3% en vigueur en France. Ce n’est pas forcément le problème des futurs salariés, ou intérimaires, de la plate-forme qui doit voir le jour à Chalon-sur-Saône. Mais ce devrait être celui du ministre du Redressement productif.

Par Mathias Destal le 27/06/2012 source Marianne 2

Transmis par Linsay


[1suivant en cela l’exemple d’UNILEVER ce que dès juillet, une loi pourrait empêcher si le changement c’est maintenant NDR



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vendredi 29 juin 2012 à 09h49 - par  Vincent

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