L’autre 8 mai

mercredi 9 mai 2012
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Si la presse a abondamment commenté la présence des deux présidents aux cérémonies du 8 mai, il est un autre 8 mai 1945 dont elle ne parle pas ou si peu : l’anniversaire des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata.
La répression contre les manifestations pacifiques revendiquant l’indépendance fit des milliers de morts. 17 000 à 45 000 selon les sources : énorme.

Il faudra attendre 60 ans, le 27 février 2005 pour que la république française reconnaisse officiellement sa responsabilité dans ces massacres.

Cette année encore, dans plusieurs villes de France, des commémorations de cet autre 8 mai étaient organisées.

Voilà l’allocution qui étaient prononcée, au nom de l’ensemble des associations [1] qui organisaient le rassemblement marseillais.

8 mai 1945 Jour du souvenir,

Du souvenir ensemble contre la barbarie humaine.

Ce jour là on fête dans la liesse la victoire des alliées sur l’Allemagne nazie et la France de Vichy. Contre la machine de l’extermination c’est la victoire de la vie et des algériens souhaitent la partager fier d’y avoir eux mêmes participé.

Peu soucieux d’en tirer une quelconque reconnaissance ils souhaitent croire en la possibilité d’accéder eux aussi à cette liberté pour laquelle ils se sont battus. Eux aussi veulent gouter le gout de la liberté, eux aussi aspirent à l’égalité, eux aussi veulent être bénéficiaire de cette fraternité dont ils n’ont pas fait l’économie pour les compagnons de tranchées.
En symbole un drapeau.

On brandit le drapeau algérien, le symbole d’une nation qui s’exprime.
La réponse est sans équivoque : plusieurs centaines de milliers de morts.
Que s’est-il passé ?

Dès le petit matin à Sétif la foule envahit les rues. En tête du défilé les drapeaux des alliées. Des pancartes surgissent alors, « nous voulons être égaux », « à bas le fascisme et le colonialisme » « vive l Algérie libre et indépendante ». Aissa Cheraga scout musulman brandit le drapeau algérien, Saal Bouzid le brandit à son tour. Un commissaire de police tire Bouzid s’effondre. Aussitôt d’autres policiers ouvrent le feu. La colère s’empare des algériens, la révolte se répand dans le constantinois. La répression sera d’une brutalité extrême, faisant des dizaines de milliers de victimes algériennes à Sétif, Guelma et Kherrata et une centaine de morts européens. L’ambassadeur de France en 2008 reconnaîtra « la très lourde responsabilité des autorités françaises de l’époque dans ce déchainement de folie meurtrière. »

Un témoin parlera « d’une psychose colonialiste où la frousse s’est mêlé à la haine ».

Oui le jour anniversaire de la victoire sur le nazisme est également celui de l’atrocité du colonialisme.

Alors qu’en France on fête la liberté retrouvée dans la joie et l’euphorie, en Algérie on empêche le peuple de s’exprimer

Oui la France en Algérie c’était bien le contraire de la liberté

Alors qu’en France on a lutté contre le racisme et l’antisémitisme, en Algérie on impose au peuple le statut de l’indigénat et on le massacre

Oui la France en Algérie c était bien le contraire de l’égalité

Alors qu’en France on honore ensemble la solidarité des alliés dans la lutte, en Algérie on oublie ces milliers de tirailleurs qui ont donnés de leur sang pour libérer et construire l’Europe

Oui la France en Algérie c’était bien le contraire de la fraternité

« A tout instant et en tout point de la colonie, la racialisation de la vie quotidienne rappelle au colonisé que l’universalisme des droits de l’homme ne saurait le concerner. Plus qu’un système socio-économique le colonialisme est une imprégnation des conduites et des esprits qui induit des comportements de violence, d’arrogance ou de mépris permanent. » [2]

Non l’Algérie ça n’était définitivement pas la France !

A l’heure du cinquantenaire de l’indépendance face à l’outrage des plus hautes autorités de sommer nos institutions de ne pas commémorer officiellement l’événement nous crions à leur face : oui la France en Algérie c’était bel et bien le contraire de l’ amour !

Oui la France en Algérie c’était bien une tentative d’assassinat d’un peuple, d’une culture, l’assignation au pire…Tocqueville le disait « il faut remplacer les arabes par la race conquérante »

- 1/3 d’une population exterminée de 1830 à 1870, 800000 morts : A la gloire de la civilisation ?
- 40000 hectares de terrain expropriés : A la gloire de l’empire ?

Le 8 mai 1945 aurait pu être le jour de l’union sacrée par delà ces drames…il aurait pu être le jour de la réconciliation, de la communauté de lutte, de la communauté de vie, de la victoire ensemble !

Non, non et encore non !
La France a fait le choix du sang !
Non l’Algérie ça n était définitivement pas la France !

Aujourd’hui nous nous associons à l’hommage que le peuple algérien rendra aux victimes de ces massacres.
On se souvient !
Une mémoire au service des victimes !
Leur dire que leur sacrifice n’a pas été vain. Ils n’ont pas vu l’Algérie sortir du courroux du colonialisme mais ils y ont largement contribués .On leur doit le souvenir.

« La bataille que nos ainés ont menée avec leur limite leur a insufflé la force de nous élever comme des hommes et des femmes. Cette force est notre véritable héritage. Elle ne doit pas être trahie » [3]

Nous appelons en France à amplifier à l’occasion de ces commémorations les efforts de vérité de notre pays sur son passé colonial.

On leur doit la liberté ! D’autres combats sont à mener aujourd’hui, nous devons retrouver cette communauté de lutte, reconstruire la fraternité, travailler ensemble pour qu’un jour la françalgérie devienne bel et bien la définition de l’amour.

Gloire et victoire aux peuples en lutte !
Honneurs aux martyrs !
Pour que vive la France digne !
Pour que vive l’Algérie libre !

Pour que les révolutionnaires ne meurent jamais

Soraya Chekkat


[1dont Rouges Vifs et le Cercle manouchian

[2Jean Louis Planche

[3James Baldwin



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