Un avenir noir pour le Fleuve bleu

samedi 31 mars 2012
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Pollution, assèchement... Malmené par l’homme, le Yangtsé-kiang, troisième plus long fleuve du monde, est en péril.

Depuis la mi-janvier, il pleuvait sans discontinuer, mais cela ne représentait pas grand-chose pour le lac Poyang [dans la province du Jiangxi, au sud-est de la Chine] qui venait de connaître son plus bas niveau depuis soixante ans. Depuis 2003, le lac est quasiment à sec durant l’automne et l’hiver.
Le lac Poyang n’est pas le seul à être touché par ce phénomène : plusieurs autres situés sur le cours moyen et inférieur du Yangsté-kiang [Fleuve bleu] sont taris depuis des années. Le Rapport 2011 sur le développement et la protection du Yangtsé-kiang, publié le 6 janvier dernier, indique que 243 lacs de plus d’un kilomètre carré ont disparu ces trente dernières années en Chine.

Pourtant, vers la source du Fleuve Bleu, les lacs se multiplient et s’agrandissent. Selon le rapport, 60 nouveaux lacs naturels de plus d’un kilomètre carré sont apparus depuis une trentaine d’années en Chine, essentiellement en bout de glaciers.

Ce n’est pas une bonne nouvelle pour autant ! Car « l’augmentation du nombre et de la superficie des lacs dans la région de naissance du Yangsté-kiang est une conséquence du réchauffement climatique, qui entraîne le recul des glaciers et l’augmentation des précipitations », explique Wu Qinglong, chercheur à l’Institut de recherches géographiques et lacustres de Nankin.

« Dans l’immédiat, l’augmentation de la quantité d’eau stockée dans les lacs affecte le biotope notamment des poissons, ainsi que les prairies alentours. Les composés organiques présents dans les terres gelées entourant les lacs y sont entraînés avec le courant, ce qui a de fortes répercussions sur l’écosystème lacustre », explique Wu Qinglong.

Cependant, à long terme, les eaux de fonte des glaciers vont diminuer, et les lacs, pour lesquels ces eaux constituent un apport majeur, vont rétrécir voire disparaître, et l’alimentation en eau de grands fleuves comme le Yangsté-kiang et le Huang He [Fleuve jaune] en pâtira.

Un collègue de Wu Qinglong, Chen Yuwei, a réalisé une enquête sur une centaine de lacs de plus de 10 kilomètres carrés situés sur le cours moyen et inférieur du Fleuve bleu. Il a ainsi constaté dans ces lacs une diminution généralisée du nombre de plantes d’eau claire et une augmentation de la flore « supportant » la pollution. On a même observé par endroits une disparition totale des plantes benthophytes (végétation croissant dans le lit des lacs) au profit des algues, ce qui indique une grave pollution.

Les données sur la qualité de l’eau des lacs recueillies lors d’une enquête menée de 2007 à 2010 par l’Institut de recherches géographiques et lacustres de Nankin montrent que dans 77 % des cas, les lacs situés sur le cours moyen et inférieur du Fleuve bleu et d’une superficie supérieure à 10 kilomètres carrés n’atteignaient pas le niveau 3 de qualité de l’eau [eau consommable] et que 88,3 % souffraient d’eutrophisation [enrichissement en sels minéraux].

Il se trouve que le bassin moyen et inférieur du Yangsté-kiang est une des régions les plus dynamiques de Chine sur le plan économique. La dégradation des lacs est fortement liée aux rejets polluants d’origine industrielle et domestique. Le lac Dian (ou lac de Kunming) situé sur le plateau de Yungui [province du Yunnan, au sud-ouest] illustre bien le phénomène. Dans les années 1950, le lac renfermait 42 espèces de plantes aquatiques submergées ; or, les enquêteurs n’en ont relevé que 8 aujourd’hui. Par ailleurs, il ne reste que 4 espèces de poissons indigènes sur les 24 que comptait le lac autrefois.

« Jadis, ces lacs étaient reliés au Yangsté-kiang, formant ainsi un immense réseau fluvio-lacustre sans équivalent au monde, et qui jouait un rôle majeur pour le maintien de la biodiversité et la stabilité des écosystèmes des fleuves et des lacs », explique Yang Guishan, le directeur de l’Institut de recherches géographiques et lacustres de Nankin. La mise en valeur sans cesse plus poussée du bassin du Yangsté-kiang a rapidement altéré les relations entre le fleuve et les lacs, en bouleversant l’écosystème lacustre.

Selon le rapport sur le Fleuve bleu, depuis plusieurs décennies, les liens entre les lacs et le Yangsté-kiang ont été modifiés suite à la construction de grands barrages et d’écluses. Les lacs ont de ce fait perdu leur relation hydraulique naturelle avec le Fleuve bleu ; le cycle de renouvellement de leurs eaux s’est allongé ; le pouvoir épurateur de leurs zones humides a diminué, ce qui n’a fait qu’aggraver l’eutrophisation et la détérioration de la qualité de leurs eaux et ce qui explique en partie la prolifération des cyanobactéries.

Comme les lacs Dongting et Poyang sont les seuls lacs naturels traversés par le Fleuve bleu à subsister encore sur son cours moyen, ils ont subi de plein fouet l’impact de la construction du barrage des Trois-Gorges [dans la province du Hubei]. Selon le rapport, le barrage a inévitablement modifié l’hydrologie des principaux affluents et des cours d’eau en aval de la retenue. Il a bouleversé de façon très nette l’environnement naturel des rives du cours moyen et inférieur du Yangsté-kiang et de la région du barrage, ainsi que les relations fluvio-lacustres au niveau du moyen bassin.
En fait, le fleuve a beau communiquer avec les lacs, son pouvoir épurateur a considérablement baissé, étant lui-même très pollué. En 2009, 33,32 milliards de tonnes d’eaux usées y ont été déversées, soit un cinquième de plus qu’en 2003 !

Par Bao Xiaodong source Nanfang Zhoumo le 29/03/2012

Transmis par Linsay



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