Refoulées vers les sables

mercredi 21 décembre 2011
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On l’oublie trop souvent 90% de l’immigration sub-saharienne est intra-africaine (voir le rapport de l’OIT)

En Algérie elle n’est pas mieux accueillie qu’en Europe ce que ne manque pas de dénoncer la presse algérienne (Algeria Watch, El Watan, Liberté Algérie...)

« Mon bébé me manque, je veux le revoir et le tenir dans mes bras », déclare en sanglotant Kottin Mbibo Laure, dans une communication téléphonique à partir de Tamanrasset, dernière étape d’un voyage de refoulement vers son pays d’origine.

Notre interlocutrice et trois autres femmes ont fait l’objet d’une décision d’expulsion, elles se trouvaient en situation irrégulière à Oran, plaque tournante pour les émigrants clandestins subsahariens. Cette expulsion scandaleuse a suscité l’indignation du SNAPAP [1] qui a levé le voile sur « une atteinte aux droits de l’homme et à la protection des enfants dont l’Algérie est signataire du protocole d’accord mondial ». Dans un communiqué, le SNAPAP relève que « quatre femmes émigrantes clandestines ont été refoulées dans des conditions inhumaines ». Ces femmes sont de surcroît de jeunes mamans qui ont été séparées de leurs enfants, elles ont plutôt préféré se séparer de leurs bébés afin de ne pas leur faire endurer un périlleux voyage vers les frontières sud.

Selon le communiqué du SNAPAP, deux de ces mères ont été arrêtées par les services de police dans l’enceinte de l’hôpital d’Oran. La première après un accouchement et la seconde au moment où elle emmenait son bébé âgé de 5 mois en consultation suite à un problème respiratoire. Les mamans accompagnées de leurs bébés se sont retrouvées en détention, en attendant de passer devant la justice, comme le prévoit la loi. Les bébés restés à Oran sont : Jouana âgée de 9 jours, Van Winter (8 mois), M’Bang Brayane (10 mois) et Amed (5 mois). Selon le même communiqué, les deux derniers bébés ont été également embarqués avec leurs mamans lors d’une descente de police dans un appartement du centre-ville. Ces femmes, accompagnées de leurs bébés, ont passé en moyenne quatre jours en détention avant d’être jugées. Elles ont été condamnées à six mois de prison avec reconduite à la frontière.

Le 24 novembre dernier, la décision de refoulement a été exécutée. A la demande persistante de ces femmes, les bébés ont été confiés à d’autres Subsahariens en situation régulière en Algérie. Selon le communiqué du SNAPAP, ces mamans ont menacé de se suicider si leurs bébés étaient embarqués avec elles pour le voyage de retour de 2300 km. Kottin Mbibo Laure est l’une des femmes qui se trouvaient dans l’appartement à la place d’Armes. Elle s’est séparée de son bébé de 8 mois, Van Winter. « Nous avons été embarquées dans des camions, la traversée s’est déroulée dans des conditions très dures. » Et d’ajouter : « Dans chaque wilaya où nous nous arrêtions, un autre groupe de Subsahariens s’ajoutait au convoi. »

Le trajet du refoulement à partir d’Oran consiste à passer par les wilayas de Mostaganem, Relizane, Tiaret, Laghouat, Ghardaïa, In Salah, pour arriver finalement à Tamanrasset. Mme Kottin Mbibo a confié qu’elles sont actuellement 141 personnes, dont 14 femmes à attendre la reconduite aux frontières : « Voilà une semaine qu’on est à Tamanrasset, on nous donne pour notre repas deux baguettes de pain et une boîte de lait qu’on se partage à quatre. On dort sur des cartons, on est tous tombés malades. » Mme Kottin Mbibo a lancé un appel aux autorités algériennes pour laisser libres les bébés que ces mamans ont abandonnés malgré elles. « Nos bébés sont Algériens, ils sont nés en Algérie, ils ont droit à une meilleure vie que nous, la vie que nous voulions leur offrir. »

Hafida Benarmas El Watan 7 décembre 2011

Transmis par Linsay

Le journal El Païs dans son édition du 20 décembre rapporte les mêmes faits de ces 4 camerounaises expulsées sans leur enfant et dont Laure, l’une d’elles, a pu dire quelques mots au téléphone à la presse en déclarant notamment à propos de sa fille “J’ai dû l’abandonner pour la sauver.”

Leur parcours a été reconstitué dans un rapport rédigé par Fouad Hassam et Mechri Salim, deux membres du SNAPAP. Les faits dénoncés par le Snapap et la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme n’ont pas été démentis par le ministère algérien de l’Intérieur.

Quand la police a voulu les embarquer le journal espagnol rapporte que
Les mères se sont rebellées. Elles ont crié aux policiers qu’elles préféraient se suicider plutôt que de monter dans le fourgon.

“Il n’est pas rare que de jeunes enfants meurent de faim, de froid, de soif, ou faute d’avoir eu accès aux médicaments nécessaires”, confirme Fouad Hassam. La détermination de ces femmes a troublé les policiers. Le commissaire lui-même s’est déplacé : “Il nous a proposé un marché : nous allions être expulsées, mais les enfants pouvaient rester”, poursuit Laure. A contrecœur, elles ont fini par accepter. Les policiers ont fait venir Roger, l’un des pères supposés, qui apportait de la nourriture aux femmes pendant leur détention. Lui et deux de ses amis ont emmené les quatre enfants, et les Camerounaises ont pris la route de Mostaganem.

Les enfants ont été accueillis par des proches camerounais, dont certains sont aussi clandestins et risquent l’expulsion. Une cinquième enfant, Nawal, âgée de 18 mois, que Michelle Gono avait laissée chez des amis quand elle est partie accoucher, a été recueillie par une famille nigérienne.

Et le journal de conclure qu’après ces évènements « Laure espérait seulement arriver vivante à Douala, sa ville natale au Cameroun ».

La LADDH se mobilise

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Les avocats de la Ligue se sont saisis du dossier de deux d’entre elles. Le communiqué écrit par la LADDH rappelle que l’“Algérie a bel et bien ratifié les conventions internationales relatives aux droits de l’homme […], garantissant aux migrantes et migrants un recours effectif avant refoulement”. Or nombre de migrants sont “refoulés et abandonnés dans le désert sans aucune protection, et cela en violation des standards internationaux”. Pour toute information complémentaire voir le site Algeria Watch

[1Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique



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