Pas de visa pour l’artiste

mercredi 7 décembre 2011
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Si ça continue on va créer une rubrique affreux, sales, méchants et stupides pour classer le genre de faits dont parle cet article...

Le gouvernement britannique a introduit en 2008 des règles très strictes pour l’obtention de visas. Pour les artistes étrangers invités à se produire pendant quelques jours dans le pays, ces mesures deviennent insurmontables, révèle The New York Times.

Les professionnels des arts et des spectacles ont de plus en plus de mal à intégrer des étrangers dans leurs manifestations en raison de règles d’immigration contraignantes. Beaucoup d’écrivains, de plasticiens et de musiciens non européens se trouvent de fait refoulés aux frontières de la Grande-Bretagne.

Le système conçu pour limiter l’afflux d’étrangers en ces temps de tensions économiques et sécuritaires paraît très simple sur le papier. Même si certains artistes remplissent les conditions requises pour obtenir le statut de travailleur temporaire, les règles sont établies pour que ceux qui effectuent de brefs séjours en Grande-Bretagne à l’occasion d’expositions, de festivals, de séances de lecture ou autres ne gagnent pas d’argent et ne tentent pas de rester dans le pays.

Désormais, les artistes et interprètes qui demandent un visa de travail temporaire doivent prouver qu’ils ont l’équivalent de 800 livres [environ 930 euros] sur leur compte bancaire depuis quatre-vingt-dix jours. Ils doivent payer plusieurs centaines de livres de frais non remboursables et trouver des organismes acceptant de payer des frais supplémentaires relativement élevés, de les parrainer et de se porter garants d’eux pendant leur séjour en Grande-Bretagne. Les professionnels du spectacle doivent en outre s’engager à ne pas gagner d’argent dans le pays ni à se produire – même gracieusement – lors de manifestations à but lucratif.

Autant de règles tatillonnes et qui ont un prix. Les demandeurs de visa doivent se séparer de leur passeport pendant plusieurs semaines, ce qui n’est pas facile pour des gens originaires de pays africains, par exemple, qui n’ont pas de consulat britannique chez eux et doivent se rendre à l’étranger en attendant la réponse. Malgré leur désir de parrainer des artistes inconnus, les organismes modestes n’ont pas les moyens de payer les frais ou ne parviennent pas à se faire reconnaître par les autorités. Or sans parrainage, certains artistes ne peuvent pas obtenir de visa, à moins de mentir et de se faire passer pour des touristes.

De surcroît, les réponses adressées aux demandeurs ne sont pas toujours cohérentes. Ainsi, depuis 1996, le célèbre musicien indien Rajeswar Bhattacharya se rend chaque année en Grande-Bretagne pour animer des ateliers ou pour donner des concerts. Cette année, bien que sa demande de visa ait été en tous points identique à celles des autres années, elle a été rejetée. Les autorités britanniques ont décrété que, comme le musicien projetait à la fois d’enseigner et de jouer – ce qu’il a toujours fait –, on ne pouvait le laisser entrer car il travaillerait en tant que professeur de musique.

Même des artistes aussi célèbres que Bruce Springsteen doivent se procurer un visa de travailleur temporaire lorsqu’ils se rendent en Grande-Bretagne pour des concerts payants. Si des vedettes de ce niveau ont des managers et des agents pour effectuer les démarches nécessaires, des artistes moins connus originaires de pays comme les Etats-Unis, dont les ressortissants n’ont pas besoin de visa pour entrer en Grande-Bretagne comme touristes, butent souvent contre cette réglementation.

“Ils pensent qu’avec le programme d’exemption de visa, ils n’auront pas de problème et ils se présentent à la frontière sans avoir fait de demande”, explique Robert Sharp, directeur de campagne pour l’association English Pen qui organise des événements littéraires. “Mais il suffit qu’un agent remarque leur tuba, leur violoncelle ou leurs pinceaux pour qu’il les fasse remonter aussitôt dans l’avion.” L’an dernier, alors qu’elle était en transit à Heathrow pour se rendre à Leeds, la violoncelliste américaine Kristin Ostling a dû répondre à un feu de questions du style : “Allez-vous jouer avec ce violoncelle ?” et “Non, vraiment, qui vous paie ?” Membre de l’ensemble Carpe Diem String Quartet, elle a expliqué qu’elle payait elle-même son voyage et qu’elle se produisait gratuitement à l’occasion d’une conférence sur le compositeur russe Sergei Taneyev. Au bout de huit heures, la musicienne et son violoncelle ont été placés dans un avion et renvoyés à Chicago.

De retour dans son pays, avec un passeport mentionnant son nouveau statut de refoulée à la frontière britannique, Kristin Ostling est allée plaider sa cause au consulat britannique. C’est là qu’elle a découvert toute l’incohérence du système. Alors qu’elle demandait à l’employé si le consulat pouvait lui délivrer un visa particulier, il lui a répondu : “Non, nous ne pouvons pas, car vous n’en avez pas besoin. C’est l’immigration qui s’est trompée.”

Par Sarah Lyall source The New York Times le 06/12/2011

La Grande-Bretagne n’est pas le seul pays occidental à appliquer une réglementation rigoureuse en matière d’immigration, ajoute The New York Times. Les Etats-Unis ont un système particulièrement strict, qui a valu à un grand nombre d’artistes et d’interprètes de se voir refuser l’entrée du pays. Mais la politique d’immigration britannique est l’une des plus rigoureuses d’Europe et des plus incohérentes dans son application.

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Obtenir un visa n’est pas plus aisé en France. Les professionnels du spectacle se plaignent du nombre croissant de refus de visa aux artistes étrangers invités. La prestation des artistes, même gratuite, est parfois assimilée à du travail, créant ainsi un blocage. Obtenir un visa est particulièrement difficile pour les Africains. Les difficultés se sont à ce point multipliées qu’un Comité visas artistes a été créé par un réseau d’associations consacré aux musiques du monde.

Transmis par Linsay



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