Luc Oursel : le kung fou du roi.

mardi 6 décembre 2011
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Surnommé « Kung Fu Panda », le nouveau patron d’Areva mène contre l’accord Verts-PS une campagne explosive au service de Sarkozy, qui l’a anobli.

Il est l’un des deux chevaliers de l’apocalypse de Nucléo-Sarko.

Et la petite main d’Henri Proglio qui a le bras long et Besson dans sa manche.

Le 25 juillet, le ministre de l’Industrie a clairement donné la prééminence au service d’EDF sur la filière nucléaire française :

« Il est un peu le capitaine de l’équipe de France, il porte le dossard numéro 10 ».

Proglio est celui qui donne les coups de boule, et Luc Oursel, le nouveau président du directoire d’Areva, se contente de jouer en défenseur de centrales.

Nucléo-Sarko a ainsi deux cavaliers pour porter le fer contre le lobby socialo-écolo qu’il accuse de vouloir revenir au Moyen Age en prônant la réduction du nucléaire en France quand Allemagne, Italie et Suisse y renoncent carrément.

Début novembre, Sarkotomic a commencé par faire donner Proglio contre l’accord des Verts-PS.

Une interview retentissante dans « Le Parisien » (9/11) pour menacer d’un cataclysme :

« 1 million » de morts pour l’emploi en France si les socialistes mettent à exécution leur promesse.

En lisant ces chiffres, Anne Lauvergeon, ancienne patronne d’Areva, a pensé que Proglio « avait fumé la moquette », ce qui est strictement interdit dans les lieux publics et très mauvais pour la santé du débat public.

Mais son successeur, Luc Oursel, fils de colonel des troupes de marine, n’a pas été en reste.

Lui aussi y est allé au canon.

Première salve d’artillerie avec son directeur des affaires publiques, qui, au soir de l’accord Verts-PS, appelle au téléphone Bernard Cazeneuve, le député-maire socialiste de Cherbourg et porte-parole de la campagne de Hollande.

Il tient à l’avertir des « conséquences graves » sur l’emploi de l’abandon de la filière du combustible MOX.

Le coup de fil de Jacques Gérault est un coup de maître car, rendu public de façon tout à fait inhabituelle par le service de presse d’Areva le lendemain, il ajoute au pataquès entre le PS et les Verts.

« C’est scandaleux, dit Cazeneuve, je ne peux pas ne pas m’interroger sur la volonté de nuire ».

Gérault est l’ancien directeur de cabinet de Sarkozy au ministère de l’Intérieur et il a exercé les mêmes fonctions auprès de Juppé et de Longuet au ministère de la Défense jusqu’en octobre.

Il plaide, bien sûr la bonne foi et jure n’être pour rien dans l’excès de zèle du service de presse de son entreprise.

Lequel pourtant avait bien été mis dans la confidence du coup de fil par quelqu’un, n’est-il pas ?.

Oursel, surnommé « Kung Fu panda » chez Areva pour ses coups de colère, a ensuite donné de sa personne.

« L’arrêt d’ici à 2025 de 24 des 58 réacteurs exploités en France, s’il devait intervenir, aurait de désastreuses conséquences économiques, sociales en environnementales », a-t-il tonné dans une tribune aux « Echos », (21/11).

Et d’énumérer les conséquences du « sabordage » des installations nucléaires : disparition d’une « base industrielle forte sur le territoire français » et de l’indépendance énergétique de la France voulue par de Gaulle.

Du Sarko dans le texte.

Il faut dire que pour optimiser la campagne du président sortant, et sans doute par souci d’économie d’énergie, les mêmes argumentaires servent à l’Elysée, aux ministères et aux entreprises publiques...

Comme dit Oursel, « la politique énergétique de la France mérite mieux ».

Mais elle fait avec ce qu’elle a.

Luc Oursel, par exemple, n’est qu’un deuxième choix.

Sarko ne voulait plus de Lauvergeon, à la tête d’Areva, coupable de lui avoir refusé le ministère de l’Economie en 2007 et d’avoir résisté à son désir de laisser au seul Proglio la conduite de la filière nucléaire en France.

N’écoutant que son devoir, Oursel, numéro 2 d’Areva embauché par Lauvergeon il y a quatre ans, a déposé sa candidature en février auprès de Jean-Ciryl Spinetta, le président du conseil de surveillance d’Areva.

« Je ne me suis pas présenté contre Lauvergeon, mais pour Areva », a-t-il assuré.

En gros, l’ancien ingénieur des Mines a fait don de sa personne pour que l’entreprise ne voie pas arriver un étranger en son sein.

C’est beau comme l’antique.

Il a empêché les parachutages mais a écopé de l’image du traître.

Seize des dix-neuf membres du comité exécutif d’Areva avaient signé en juin un texte afin que leur patronne soit reconduite pour un troisième mandat.

N’importe, Sarko aime les traîtres.

Pour l’avoir souvent été, il apprécie en connaisseur ce petit dégoût de soi qu’engendre le franchissement de ligne.

Oursel, ancien du cabinet Joxe, de Schneider et de Geodis, a donc rejoint Besson, son ministre de tutelle, au sein de l’amicale des traîtres sarkozystes.

ça n’a pas que des avantages.

Et il a pu le mesurer la semaine dernière quand l’AFP, le jour où il faisait la leçon sur l’emploi aux socialos dans « Les Echos », a révélé qu’il envisageait de réduire de 1 200 personnes les effectifs d’Areva en France.

Soit 4% des 28 000 emplois de l’entreprise dans l’Hexagone.

Effet post-Fukushima, Areva prévoit d’économiser 750 millions d’euros par an d’ici à 2015 dans le cadre d’action stratégique qu’Oursel doit présenter le 13 décembre.

Las, le matin même, Besson avait annoncé à la télé qu’il n’y aurait pas le licenciements en France.

Au moins le temps de la présidentielle.

Le ministre avait compris qu’il est maladroit de dégraisser dans le nucléaire au moment où Sarkozy prétend être le sauveur de la filière.

Oursel, a donc été prié de démentir.

Il s’est exécuté dans l’heure avant d’être convoqué illico à Bercy en guise de pénitence.

Depuis, il cherche qui est à l’origine des fuites.

« ça ne peut pas venir de l’intérieur de la maison, des onze qui composent le directoire élargi », assure l’un de ses proches.

Selon Areva, le coupable loge dans les ministères de tutelle.

Chez Besson, on désigne Baroin, qui a donné pour mission à Areva, en avril, de « rétablir sa rentabilité » le plus rapidement possible.

Ambiance.

Mais Oursel sait que sa maison n’est pas pacifiée.

Il a beau avoir placé sur son bureau de la rue La Fayette un Kung Fu panda rapporté de chez Mac Do par une assistante, les syndicats l’attendent sur le tatami.

Et pas qu’eux.

"Il a souhaité, en octobre, réunir les 80 top dirigeants d’Areva pour préparer le plan stratégique de décembre, raconte l’un d’entre eux.
On lui a dit, 80, c’est trop, y aura des fuites. Je prends le risque des fuites", a-t-il répondu.

Un patron du nucléaire qui accepte le risque de fuites, ça craint, non ?.

Par Jean-Michel Thénard dans Le Canard enchaîné du 30/11/2011

Transmis par Linsay



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