La guerre a déja commencé

mardi 3 août 2010
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Hélicoptères, fusées éclairantes, militaires cagoulés et lourdement armés… Ce sont à de véritables scènes de guerre que se sont livrés les forces de l’ordre dans la banlieue grenobloise. Quant aux déclarations sur les roms et les “gens du voyage”, elles nous rappellent les pires heures du “Samudaripen” (1).

La crise n’en serait qu’à ses balbutiements et la récession – voire la dépression – planerait comme une menace (cf. les déclarations de Claude Guéant sur France Culture). Nous serions, pour les uns, dans une situation proche de celle de 1780, à la veille des grandes famines et d’une décennie de révolution et, pour d’autres, à l’aune des années 30 et du déferlement des régimes fascistes sur l’Europe. Cette apocalypse annoncée s’accompagne de mesures drastiques qui ne frappent que les plus modestes. Pour “sauver les retraites” on en recule l’âge légal du départ, au point, à terme, de remettre en cause l’allongement de l’espérance de vie. Et, pour faire face à la dette, on sabre dans les dépenses liées aux services publics, tant dans les secteurs de la santé, des transports, de l’éducation, de la petite enfance, de la poste etc. Rappelons qu’en 1946, au lendemain de la guerre, la dette publique se montait à 170 % du PIB. Les choix ont pourtant été tout autre.

La Syphilisation

Pour reprendre ce néologisme d’Émile Pouget, cofondateur de la CGT en 1895, alors que la nécessité de faire des sacrifices nous est assénée tous les jours, les politiques affichent leur allégeance aux puissances d’argent. Emplois de complaisance, enveloppes d’argent liquide pour financer les partis au pouvoir, soustraction d’impôts en direction des paradis fiscaux et remises gracieuses au titre du bouclier fiscal, se révèlent chaque jour autour du feuilleton de l’été et de la famille Bettencourt ; une famille déjà tristement célèbre pour avoir rejoint la Cagoule dans les années 30 et joué un rôle actif dans la collaboration au régime de Vichy.

Un ministre, celui-là même qui veut nous priver de notre retraite à 60 ans, se trouve au centre de cette “ténébreuse affaire” en tant qu’ancien trésorier de l’UMP. Mais qu’à cela ne tienne ! Le gouvernement serre les rangs... et les fesses. Les journalistes, pourtant souvent complaisants, sont montrés du doigt, accusés de faire le jeu de l’extrême droite, tandis que les faits divers sont instrumentalisés pour remettre en selle les thèmes sécuritaires aussi vains que dangereux. Les mêmes populations sont stigmatisées. Les pauvres d’abord, habitants des cités mouroirs où le taux de chômage dépasse parfois les 50 %, les premiers privés des services publics (transports, activités sportives et culturelles, commerce de proximité, poste etc.), bénéficiant rarement d’un enseignement de qualité et ne pouvant que désespérer de l’avenir.

Nouvelle classe dangereuse, ils n’ont droit qu’aux contrôles au faciès de six à huit fois par jour ou aux courses poursuites avec une police partagée entre la colère et la trouille. Certains d’entre eux se sont retournés vers le grand banditisme comme les miséreux des favellas de Rio de Janeiro. Pour eux, pas de pitié ! Feu à volonté ! Contre la gangrène, il faut couper le membre infecté ! Et qu’importe des “dégâts collatéraux”.

Une guerre de classe

Au début du vingtième siècle, la bande à Bonnot a défrayé la chronique. Militants anarchistes, exclus du monde du travail pour leur implication dans les grèves et les sabotages de la production, ils vécurent de braquages et de divers larcins. Narguant la police, car possédant des véhicules plus rapides qu’elle, ils furent finalement abattus (Bonnot, Garnier et Valet), exécutés en place publique (Callemin, Monier, Soudy) ou finiront leur vie en prison. De façon moins consciente les arrières petits enfants de Bonnot et de Victor Serge exercent, en quelque sorte la récupération de l’argent que leur confisquent les capitalistes (“Tout ce qu’ils ont, ils nous l’ont volé”). La fin de la bande à Bonnot par l’exécution de ses principaux membres se déroulent en... 1913. Et vive l’unité nationale avant d’aller crever dans les tranchées !

Au moment où les troupes françaises se font les porte flingues de l’OTAN en Afghanistan, ce pays est devenu le premier producteur mondial d’héroïne, inondant l’Europe de son produit de mort. Les petits caïds des cités de banlieue ne sont que de petits intermédiaires à qui on a interdit toute autre forme de sociabilité. Dealer de la dope n’est pas, en soi, une revendication politique, mais un moyen de survie pour une frange de la population toujours plus marginalisée.

Plutôt que d’interroger les causes du mal, il est plus aisé de “nettoyer au karcher” les cages d’escalier, de laisser crever les junkies du sida et de donner de grands coups de menton en jurant que la délinquance sera éradiquée. Il suffirait peut-être, seulement, de redonner du sens à la révolte, du sens à la confrontation, mais aussi du sens au fait de prôner le refus de se conformer aux lois liberticides. Il n’est sans doute pas encore temps de rejoindre le maquis, mais il faut s’y préparer.
La guerre a déjà commencé.

1- Samudaripen, c’est ainsi que l’on nomme le génocide des tziganes durant la seconde guerre mondiale, où nombre d’entre eux ont été enfermés dans des camps en France.



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