Ingrid Betancourt : une « icône » un brin vénale

jeudi 15 juillet 2010
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Le blogueur Philippe Bilger regrette la folie médiatique qui avait fait d’Ingrid Betancourt une icône. Il semble que la compassion dont avait fait l’objet l’otage ait aveuglé l’opinion sur sa véritable nature.

Avant de faire d’une personne, homme ou femme, une icône, il faudrait attendre. La regarder vivre. Attendre même longtemps. Patienter. Pour voir.

Pour Ingrid Betancourt, on aurait dû prendre son temps. Se féliciter de sa libération, de son retour. Mais on n’aurait pas dû en faire trop. Comme si c’était une sainte qui avait débarqué chez nous. C’était une prisonnière libérée par un commando colombien courageux. C’était déjà beaucoup. Même en ayant trouvé, une seconde, miraculeuse cette concorde émue, j’avais tout de même relevé qu’il y avait de quoi désespérer les autres détresses durables, les misères douloureuses et chroniques en s’attachant, avec une telle frénésie médiatique et une telle exploitation jouissive du malheur, à la destinée d’Ingrid. Il y avait de la saturation avant la libération puis après celle-ci mais personne n’osait le dire. Tous tétanisés par la crainte d’émettre la moindre critique sur un être qui semblait avoir recueilli à son seul bénéfice la compassion dont le monde était capable. Des larmes de tristesse puis de joie paraissaient couler sans cesse des yeux universels.

On a appris que deux ans après sa libération Ingrid Betancourt réclamait la bagatelle de 4,7 millions d’euros à l’Etat colombien parce qu’elle n’aurait pas été suffisamment protégée avant d’être enlevée. Exigence d’autant d’autant plus étonnante qu’elle a participé, le 2 juillet, à un hommage rendu aux soldats l’ayant sauvée le 2 juillet 2008 (Le Figaro).
Imagine-t-on « nos otages » sortis d’affaire et du risque de mort, Jean-Paul Kauffmann ou Florence Aubenas par exemple, venir, sans honte ni pudeur, quêter des sommes considérables pour que l’allégresse de leur salut soit mêlée à la gestion de leurs intérêts ? Quelle singulière image il faut avoir de soi et son importance pour oser une telle démarche ? Comment même a-t-elle pu germer dans la tête de cette femme qui lassée d’être une icône a voulu trop bien démontrer qu’elle était ordinaire, sans classe, âpre au gain même si ce dernier devait être arraché à l’intrépidité exemplaire de tous ceux qui n’ont pas compté, eux, pour venir à son secours ?

Soit. On ne peut pas lui interdire l’indécence. Elle a le droit de réclamer réparation, on a le droit de la lui refuser. Mais puisqu’elle estime que l’Etat colombien lui est redevable et probablement tous ceux dont le coeur a battu pour elle non seulement parce que dans cette jungle elle souffrait mais à cause de ce qu’on lui prêtait comme aura, qu’elle nous rembourse également, et au centuple.

Qu’elle nous rembourse l’unanimisme festif, il est vrai un tantinet ridicule, du 14 juillet. Qu’elle nous rembourse les dithyrambes, le délire médiatique et le prix de nos illusions perdues. Qu’elle nous rembourse l’encens et l’adoration.

Que vaut exactement la déplorable transformation d’une icône en réalité humaine ?

Sur le blog de Philippe Bilger Marianne2 le 13/07/2010

Peut être notre blogueur aurait-il du lire avant Rouge Midi...sa déception serait moins grande ?

Transmis par Linsay



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vendredi 16 juillet 2010 à 19h34 - par  La louve
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vendredi 16 juillet 2010 à 06h01 - par  Rouge Midi
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jeudi 15 juillet 2010 à 23h16 - par  la louve

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