Rentrée des classes...

dimanche 3 septembre 2006
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Quelque chose dans l’air qui garde la nostalgie de l’été et la promesse d’un automne où l’on pourra s’abandonner à la douceur des maisons plus chaudes que l’air frais des journées plus courtes : c’est ça la fameuse rentrée. Le pincement d’angoisse, de curiosité, d’impatience et de plaisir de retrouver ou de découvrir les lieux de travail, d’apprentissage, son quartier, sa rue, sa ville, ses amis, ses voisins : c’est aussi ça la fameuse rentrée.

Mais cette année encore, la rentrée, c’est l’horreur de voir confirmée au grand jour la précarité et son lot de misère, de drames, de rêves fracassés pour nos semblables, nos voisins, les camarades de classe de nos enfants. Plusieurs écoles, comme à chaque rentrée auront sur la liste des absents, les victimes de la vie, celles des expulsions comme à Cachan, des reconduites à la frontière.
Je parie qu’au cÅ“ur de nombreux enfants la question se pose sans pouvoir toujours se formuler de peur de l’absence de réponse, de réponse vraie, porteuse de sens et d’espoir : pourquoi elles, eux, et pas nous ?

Qu’est-ce qui justifie cette différence entre « eux » et « nous » ?

- « Eux » sont pauvres.
- « Eux » sont noirs.

Tout cela n’est pas nouveau, épée au-dessus de nos têtes, têtes que nous baissons pour ne pas voir pointer son ombre. En 1986, je faisais une chronique - c’était sur « France Inter » - sur des enfants, noirs déjà, pauvres toujours, logés sans eau ni chauffage rue Popincourt et morts brûlés vifs. Sur quelle liste gardons-nous leur mémoire ?
Nous savons tout ! Qui, pourquoi, comment ? Pas de fatalité, de loi des séries, de dysfonctionnement conjoncturel, de mauvaise gestion de tel ou tel gouvernement de telle ou telle couleur ! Nous avons toutes les réponses, mais la seule que l’on trouve, c’est l’indifférence, l’oubli, le déni, un cynisme que l’on pensait certes possible, mais pas sans conséquence !

Et pourtant, le jour de la rentrée des classes, est un jour heureux pour les enfants, important pour les parents, plein d’espoir. Jour fondamental pour s’inscrire dans une classe, dans une école, dans un quartier, dans une société. C’est ce jour de rentrée que Nicolas Sarkozy, avec son acolyte Arno Klarsfeld a choisi d’intensifier les expulsions d’enfants et d’adolescents vers des pays où ils n’ont souvent jamais vécu. La chasse à l’enfant reste ouverte ! Ce jour de rentrée c’est aussi l’expulsion de familles avec enfants de squatts, de logements insalubres où l’on « trie » les « avec » des « sans » papiers.

A quelle école pourront s’inscrire ces enfants jetés à la rue ?

Que répondrons-nous ? Que la rue est plus sûre, plus confortable que des logements insalubres ? C’est ça la réponse que nous pouvons faire aux questions de nos enfants ?

L’hébergement, qui n’est pas le logement, si les mots ont encore un sens ! Et l’on sait combien les mots ont leur importance dans l’apprentissage pour les enfants, dans la construction d’un savoir, d’une confiance dans la parole des adultes, pour la confiance en la vie. Hébergement d’urgence, pour un provisoire qui durera des années, peut-être une vie, c’est ça que nous répondrons à nos enfants ?

Des mots qui n’ont plus de sens ? Triste glossaire d’une langue qui n’a de sens que dans les textes mais qui n’est pas d’usage dans la vie :

Solidarité,
Urgence,
Pays riches,
Démocratie,
Égalité des chances,
Intégration républicaine,
Logement social :
...langue morte ?

Progrès,
Respect,
Droit universel,
Humain :
...langue de laboratoire ?

La liste est longue, comme celle des « effets collatéraux », positifs pour quelques spéculateurs et autres coucous argentés qui se logeront dans les immeubles rénovés après leur évacuation. Ainsi des promoteurs, légitimes propriétaires pour une bouchée de pain des logements squattés, parce que squattés justement, verront leur propriété prendre du jour au lendemain une plus-value formidable ! Pour fonder la confiance nécessaire au désir d’apprendre, de grandir, il va falloir nous expliquer, répondre aux enfants qui, rappelons-le, ne sont ni sourds ni aveugles du monde qui les entoure et dont ils savent qu’il est le leur.

Espérons que, lors de l’appel dans certaines classes, le silence ne succède pas au mot « absent » !



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lundi 4 septembre 2006 à 20h19

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