« Comment libérer les collectivités locales ? »

jeudi 3 décembre 2009
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Le débat sur la fiscalisation divise-t-il les tenants de l’économie de marché ou certains agissent-ils en éclaireurs ?...
Augmenter les différences entre régions, réduire la solidarité nationale à la portion congrue en habillant ces propositions d’exigence de transparence (ce qui n’est pas une garantie de possibilité d’intervention citoyenne dans la gestion) et enfin ne pas dire un mot sur la notion de services publics propriété de la nation, voilà qui ne devrait pas déplaire aux partisans d’une Europe des régions...

Tout recommence comme avant. A peine sorties du marasme, les banques ont retrouvé leur « business model » favori : utiliser la protection de l’Etat pour emprunter pas cher, puis investir risqué et empocher les profits… A défaut d’avoir pour l’instant conduit à de véritables changements de régulation, la crise financière aura eu le mérite de sensibiliser le citoyen aux questions d’incitations et au « Too Big to Fail ». Ces leçons chèrement acquises peuvent être utilement appliquées aux collectivités locales.

Car les collectivités locales font penser aux banquiers honnis : elles sont à la fois dépensières, ultra-opaques et peu responsables. Si on empile toutes les couches, leurs dépenses s’établissent aux alentours de 180 milliards d’euros, chiffre en hausse de 50 % depuis le début des années 2000, à comparer aux 280 milliards d’euros du budget de l’Etat. Certes, cette explosion s’explique en partie par les transferts des compétences de l’Etat, mais pas uniquement. A périmètre d’activité constant, celles-ci créent environ 35.000 postes de fonctionnaires territoriaux par an, soit… l’équivalent d’un fonctionnaire de l’Etat sur deux partant à la retraite.

Il se pourrait que cette extension du domaine de l’action locale réponde à une demande du citoyen, mais il est plus probable qu’elle se passe dans son dos, tant la dérive se fait dans l’opacité la plus totale : concernant les comptes des collectivités locales, seules des informations sommaires sont occasionnellement mises en ligne sur le site du ministère des Finances. La feuille d’impôts locaux est illisible. Qui est responsable de leur hausse ? La municipalité, le conseil général ?

La solution à cette dérive tient en trois volets indissociables : liberté, transparence et responsabilité.

Liberté : il faut donner aux collectivités la liberté de lever davantage d’impôts. En retour, la contribution financière de l’Etat devrait se réduire progressivement à une forme explicite de solidarité nationale, c’est-à-dire à un soutien aux régions les plus pauvres. A l’heure actuelle, 35 % des recettes des collectivités sont en provenance directe de l’Etat. Ceci pervertit profondément le fonctionnement de la démocratie locale, et à cet égard, la réforme de la taxe professionnelle va dans le mauvais sens. Pour boucler leurs budgets, les élus locaux ont toutes les incitations à faire du lobbying afin que le contribuable national finance des réalisations que les électeurs locaux leur attribueront. Ce lobbying est facilité par nos institutions. Le cumul des mandats, institution unique au monde, place les parlementaires en perpétuel conflit d’intérêts entre leur mandat national et leur mandat d’élu local. Sans parler des sénateurs, directement élus par les élus locaux.

Transparence : comme les actionnaires d’une entreprise, les contribuables doivent recevoir des comptes détaillés et un fléchage des responsabilités politiques. Un organisme national doit leur permettre d’évaluer facilement si les différents postes de coûts sont bien gérés en comparaison de ce qui prévaut dans le reste du territoire. Ceci permettrait au débat de politique locale de porter sur des questions concrètes. Par exemple : pourquoi le traitement des eaux usées est-il beaucoup plus coûteux dans notre commune qu’ailleurs ?

Responsabilité : les collectivités doivent pouvoir s’endetter en leur nom propre, mais aussi pouvoir faire faillite. Pour rassurer les créanciers potentiels, il faut donc mettre en place une procédure de banqueroute à la fois dissuasive et réaliste pour les collectivités qui ne parviendraient pas à rembourser leurs dettes. Actuellement, les collectivités n’ont pas le droit de s’endetter, sauf pour investir. L’Etat, les considérant comme irresponsables, les met sous tutelle, quitte à financer lui-même leurs écarts financiers.

Pour résumer, l’Etat doit cesser de considérer les collectivités comme des enfants mal élevés et irresponsables, et ne plus se comporter comme ces parents dépassés qui, pour faire tenir leurs enfants en place, leur promettent toujours plus d’argent de poche. Pour les collectivités, transparence et responsabilité sont le prix à payer pour l’autonomie : la veulent-elles vraiment ?

Tribune parue dans les Echos et signée de :

Augustin Landier professeur de finance à l’école d’économie de Toulouse

David Thesmar professeur de finance à HEC



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