Le scandale Salah Hamouri

lundi 19 octobre 2009
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Sur le blog d’Alain Gresh Monde diplomatique 18/10/2009

Transmis par Linsay

Salah Hamouri est ce jeune franco-palestinien, emprisonn� durant plus de trois ans, condamn� par un tribunal miliaire isra�lien sans preuves � sept ans de prison � l’issue d’un proc�s o� l’utilisation des � aveux � rappelle de sinistres souvenirs.

Hamouri reste inconnu pour de nombreux Fran�ais. Alors que la mairie de Paris et le gouvernement fran�ais se mobilisent pour les � otages �, et en premier lieu pour le soldat franco-isra�lien Gilad Shalit, le silence autour du cas de Hamouri a quelque chose d’exemplaire, comme l’explique dans un article d’une page de Lib�ration Christophe Ayad, � Isra�l : un Fran�ais aux oubliettes � (18-19 octobre 2008).

� Salah Hamouri a �t� arr�t� le 13 mars 2005 sur la route de Ramallah. Deux heures plus tard, la police isra�lienne retournait l’appartement de ses parents, � J�rusalem-Est, � la recherche de preuves. Ils ont tout retourn�, saisi le disque dur de son ordinateur. Ils sont all�s jusqu’� d�monter les lavabos, se souvient Denise Hamouri, la m�re de l’�tudiant en sociologie de l’universit� de Bethl�em. Pendant que son fils est d�tenu pendant trois mois � la prison de la Moskobieh, � J�rusalem, elle apprend dans la presse qu’il est cens� avoir particip� � un complot visant � assassiner le rabbi Ovadia Yossfe, chef spirituel du parti Shas (ultra-orthodoxe s�farade). Il est aussi accus� d’appartenir au FPLP. Pendant les trois ann�es qui suivent, Salah Hamouri est maintenu en d�tention administrative, comme la grande majorit� des 11 600 prisonniers palestiniens, c’est-�-dire sans supervision de la justice civile. La routine en Isra�l. �

Pourquoi a-t-il avou� ?

C’est que le procureur lui a propos� un march�. � Si Salah reconna�t les faits, il prendra sept ans de prison : sinon ce sera quatorze. Le dossier est pourtant mince : aucune preuve mat�rielle, ni armes, ni mails, ni plan, ni �coutes. Les seules “preuves” sont les t�moignages, aussit�t r�tract�s, de d�tenus palestiniens et l’aveu de Salah, qui a reconnu �tre pass� devant la maison du rabbin avec un ami, accus� lui aussi. L’avocate conseille � la famille d’accepter, car les juges militaires suivent toujours les r�quisitions. En tant que Palestinien de J�rusalem, Salah n’a droit � aucune remise de peine. Il ne peut faire appel. �

Jusque-l�, il faut le dire, rien que de tr�s banal pour un Palestinien. N’oublions pas que la Palestine occup�e compte sans doute le plus grand nombre de prisonniers politiques du monde ; que la torture est d’usage courant ; que les d�tentions sans jugement le sont aussi ; que la majorit� des jeunes hommes, � un moment ou � un autre, passe par les prisons isra�liennes ; que ces centaines de mineurs et de femmes sont aussi emprisonn�s.

� Ce qui est scandaleux dans cette affaire, c’est le silence assourdissant des autorit�s fran�aises. D�s la condamnation, souligne Christophe Ayad, les autorit�s fran�aises se retrancheront syst�matiquement derri�re la d�cision de justice et derri�re cet aveu de culpabilit�. Dans un courrier, Rama Yade va jusqu’� reprocher � Salah Hamouri de ne pas avoir exprim� de “regrets”. Lors de sa rencontre avec Denise Hamouri, fin mai, la secr�taire d’Etat aux droits de l’homme semble d�couvrir l’affaire. L’ambassadeur sp�cial des droits de l’homme, Fran�ois Zimmeray est aux abonn�s absents. Tout comme l’Elys�e. �

Un mot sur Fran�ois Zimmeray. Cet ancien d�put� europ�en socialiste s’est tellement align� sur les positions isra�liennes au d�but des ann�es 2000 que le Parti socialiste, peu suspect pourtant de pencher en faveur des Palestiniens, a finalement d�cid� de ne pas le repr�senter aux �lections de 2004. Mais Nicolas Sarkozy l’a r�cup�r�. (une recherche rapide sur Google permet de trouver les d�clarations de ce personnage).

En conclusion, Christophe Ayad souligne que l’Elys�e, qui a trouv� le temps de recevoir les parents de Gilad Shalit, n’a pas trouv� le temps pour recevoir Denise Hamouri. � Une ti�deur qui contraste avec les mots de r�confort du p�re de Gilad Shalit, qui avait su trouver les mots pour r�pondre � la lettre que lui avait envoy� Denise Hamouri en souhaitant la lib�ration de leurs deux enfants. �

Notons que l’ancien d�put� communiste Jean-Claude Lefort vient de cr�er un comit� de soutien � Salah Hamouri.

Askolovitch et les � d�tritus �

Le 17 octobre s’est ouvert devant la cour d’assise de Seine Saint-Denis le proc�s qui fait suite � la mort dans la cit� des 4 000 � La Courneuve, le 19 juin 2005, d’un jeune de 11 ans (par une balle perdue). C’est cette mort dramatique, provoqu�e par un affrontement entre bandes et une histoire d’amour entre un jeune noir et une jeune fille d’origine arabe, qui avait amen� la fameuse sortie de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’int�rieur, et sa promesse de nettoyer les cit�s au karcher (� Proc�s � La Courneuve : le cœur et le K�rcher �, par Marie Huret, L’Express.fr, 17/10/2008).

Malgr� les promesses faites par le ministre de proposer plus que la r�pression, rien n’a chang� � � La Courneuve, trois ans apr�s le Karcher �, comme l’explique Dany Stive dans L’Humanit�, le 17 octobre.

Il n’est pas inutile de rappeler, � propos des d�clarations du futur pr�sident, ce qu’en disait Claude Askolovitch, alors journaliste au Nouvel Observateur. Le 27 juin 2005, sur le site Acrimed, Mathias Reymond �crivait un article : � C’est officiel : au Nouvel Observateur, on “nettoie” les “d�tritus” � :

� “Un type qui tire sur un gamin de dix ans est une ordure et un d�tritus, au Nouvel Obs comme ailleurs.” C’est par ces mots que Claude Askolovitch commente, dans l’�mission “On refait le monde” le 21 juin 2005 sur RTL, le “nettoyage” pr�conis� par Nicolas Sarkozy dans la cit� des 4 000 � La Courneuve.

� La col�re de Claude Askolovitch contre les d�linquants n’a d’�gal que sa rage d’informer et de s’informer. �

� Enerv�, Askolovitch, l’est d’abord contre le Syndicat de la Magistrature (class� � gauche) : “Le politiquement correct a bon go�t et j’invite le Syndicat de la Magistrature � d�placer son si�ge quelque part dans la cit� des 4 000.” Seulement voil�, ledit Syndicat n’avait pas encore fait alors (sauf erreur de notre part) de d�claration. En revanche, l’Union Syndicale des Magistrats, positionn�e � droite avait r�agi avec �motion aux propos du pr�sident de l’UMP en d�clarant que l’Etat “devait faire appliquer les lois de la R�publique � tous” et n’�tait pas l� “pour nettoyer”. Dans Le Monde, le pr�sident de l’USM, Dominique Barella pr�cise : “Le mot de nettoyage est un mot historique lourd de sens dont il faut �viter l’usage.” De quoi scandaliser, en effet, un journaliste "de gauche"... �

Il faut dire que peu de gens, � l’�poque, pensaient encore que Claude Askolovitch �tait � de gauche �. En revanche, il s�vissait dans un hebdomadaire qui se r�clamait de la gauche, mais se pr�occupait en priorit� de ne pas trop critiquer Nicolas Sarkozy. Il a �t� enfin r�compens� pour ses bons et loyaux services.

On lira sur ce sujet � L’ascension d’un journaliste – Claude Askolovitch �, par Daniel Schneidermann (Lib�ration, 1er septembre 2008), repris sur le site Europe Solidaire sans fronti�re.

� Comment se d�roule une ascension m�diatique, en R�publique sarkozienne ? Tr�s simplement. A ciel ouvert. Le cas de Laurence Ferrari, sa vie, son œuvre, ses traumatismes d’enfance, ayant �t� explor�s comme il convenait par la totalit� de la presse fran�aise et francophone, attardons-nous sur un autre, plus discret : celui de Claude Askolovitch, nouvel embauch� du groupe Lagard�re. Sc�nario : un journaliste (de talent) que les hasards de la carri�re ont envoy� dans un hebdomadaire �tiquet� � gauche (le Nouvel Obs) s’y ennuie. Il s’y sent bloqu�. Il y suit les activit�s de Jos� Bov�, les oscillations de Cl�mentine Autain, et les forums de Porto Alegre, ce qui peut lasser � la longue. Il trompe l’attente en r�p�tant � longueur d’�missions, d’articles, de blog, que la candidate de la gauche est d’une nullit� crasse ; il r�dige � la cha�ne des livres de discussions avec un socialiste pass� � l’adversaire (Eric Besson), avec un socialiste raisonnable (Manuel Valls), avec une ministre sarkozyste (Rachida Dati), mais l’ennui persiste. C’est terrible, l’ennui.

Au d�but de l’�t�, le Destin lui sourit : il vole soudain � la radio d�fendre courageusement le fils du pr�sident de la R�publique, cible d’une inf�me agression antis�mite, dans une chronique que personne n’avait lue, en page 19 d’un hebdomadaire satirique. Bingo ! L’affaire prend. La France s’embrase. Insultes, pol�miques, p�titions. Et � la fin de l’�t�, abracadabra, on le retrouve dirigeant les pages politiques du Journal du dimanche (groupe Lagard�re), et en charge de l’�ditorial politique de la radio Europe 1 (groupe Lagard�re), r�ussissant l’exploit d’en avoir d�boulonn� l’ind�boulonnable Catherine Nay. Il est devenu une pi�ce centrale du dispositif. Venant de la gauche, il incarne l’ouverture m�diatique.

Reste une inconnue – de taille. Sa Majest� a-t-elle explicitement donn� consigne de faire nommer Askolovitch au firmament du groupe de son ami Arnaud Lagard�re, pour service rendu � la famille ? Ou bien, dans l’�tat-major de Lagard�re, a-t-on pr�c�d� ses d�sirs ? La simultan�it� des deux nominations laisse irr�sistiblement penser que la d�cision a �t� prise au sommet du groupe, et pas seulement dans chacun des deux m�dias. Le groupe en question est d’ailleurs habitu� aux nominations � conseill�es �. L’an dernier, l’ex-patron Elkabbach avait d�j� consult� Sarkozy sur la nomination du chef du service politique. Et puis, qu’importe ? Qu’on ait c�d� aux d�sirs du prince ou qu’on les ait pr�c�d�s, le r�sultat est le m�me : l’accession de la personne ad�quate au poste qui l’attendait. �

Derni�re op�ration lanc�e par Claude Askolovitch dans les colonnes du Nouvel Observateur, l’accusation contre Sin�, relay�e par toutes les nobles voix intellectuelles, mais qui va se retourner contre ses instigateurs (Lire Pierre Rimbert, � Sin� et l’inquisition �, sur le site du Monde diplomatique).

La question qui restera sans r�ponse est de savoir comment un tel journaliste, sp�cialiste d’op�rations naus�abondes, a pu s�vir tant d’ann�es au Nouvel Observateur ?



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