Quand les juges se déshonorent

lundi 20 avril 2009
par  Charles Hoareau
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Résumé des chapitres précédents. Suite à une passation de marché, le 12 novembre 2007 39 salariés du service nettoyage (en CDI avec une ancienneté moyenne de 16 ans) se sont retrouvés, au sens propre du terme, à la porte du jour au lendemain.
ADOMA, par amour du social, a décidé de les remplacer par des rmistes contraints de travailler à leur place pour ne pas perdre leur allocation….Les Bouches du Rhône sont en effet un des 16 départements (et même le premier !) qui se sont portés volontaires pour expérimenter le RSA : résultat garanti…Depuis, les salariés se battent pour retrouver un emploi qu’ils n’auraient jamais du perdre en vertu de la fameuse annexe7 de la convention collective du nettoyage qui oblige une entreprise à reprendre les salariés du marché qu’elle obtient.

Comme les lecteurs de Rouge Midi le savent bien
 [1] lors de la dernière audience du conseil de prud’hommes, le droit des salariés à conserver leur emploi a été réaffirmé par le tribunal. Les régies (à défaut d’ADOMA) ont été condamnées à reprendre les salariés et à leur payer les salaires dus depuis novembre 2007. Cette décision a même été assortie d’une exécution provisoire pour renforcer le caractère non suspensif de l’appel et de dommages et intérêts pour résistance abusive…ce qui est bien le moins quand on voit ce refus délibéré (et réitéré) d’appliquer quelque décision que ce soit depuis bientôt 2 ans.

Dès ce jugement connu, les salariés, se sont rendus à leur poste de travail dans leur foyer ADOMA respectif…accompagnés d’un huissier au cas où. Bien leur en a pris car une nouvelle fois ils se sont trouvés devant un employeur qui refusait d’appliquer le jugement.

A 7h du matin les portes étaient closes, l’huissier a constaté une nouvelle fois que les serrures ayant été changées les salariés ne pouvaient pas ouvrir leur local. A plusieurs endroits du secteur centre c’est un cadre de Régie Service 13 qui leur a confirmé la volonté de leur employeur de ne pas appliquer la décision de justice. Sur le secteur Nord, là où depuis septembre 2008 la régie s’est retirée, c’est un employé d’ADOMA (normalement en rien concernée par le conflit, si on en croit ses écrits), qui a confirmé à l’huissier que les salariés ne devaient pas travailler.

Ne pouvant reprendre leur travail, ni bien sûr encaisser les retards de salaires ordonnés par le tribunal, il ne restait légalement alors aux salariés qu’à tenter de faire exécuter la décision par huissier.

Dans la vie normale, si tout un chacun d’entre nous a une dette quelconque cela ne traîne pas : blocage de compte, avis à tiers détenteur, saisie du mobilier…les moyens sont alors multiples…
Mais là dans notre affaire c’est une autre paire de manches. Quand l’huissier tente de faire exécuter il découvre que les comptes des régies seraient vides sans que celles-ci ne puissent expliquer comment elles paient leurs factures habituelles : fournisseurs, salaires des autres salariés… ni où est passé l’argent des subventions...Il ne peut donc rien saisir ou si peu.

Dans ce cas là, il faut à nouveau saisir la justice qui va ordonner selon le cas, au vu des finances de l’entreprise, soit un redressement judiciaire si elle estime que les sommes dues peuvent être versées en quelques mois, soit ordonner la liquidation. Comprenons nous bien, les juges n’ont pas à critiquer le jugement rendu mais simplement étudier les conditions de son application.

C’est ce qui devait être fait le 7 avril dernier à 14h au TGI de Marseille. Et là qu’ont décidé les juges ? De ne laisser plaider les deux parties que sur la nécessité ou non de renvoyer l’affaire ( ?!??)….et, après un délibéré sur le siège [2] d’une demie heure de la renvoyer effectivement au 23 juin !!!

Imaginez un peu la colère des salariés qui apprennent cela vers 18h après 4h d’attente et 17 mois de cauchemar ! Ces salariés qui de plus ont vu dans l’après midi le manège de l’avocat des régies [3] qui entre deux affaires (et avant l’audience) est allé parler dans le creux de l’oreille à l’une des membres du bureau de jugement et est revenu tout sourire vers ses clients en disant « ça y est c’est réglé ! », ces mêmes salariés qui ont vu les sourires de ces directeurs qui refusent d’appliquer les décisions et par là même les affament…

La décision est accueillie par des cris et le refus des salariés de quitter les lieux et de laisser les directeurs partir. « C’est de la magouille ! Comment on va faire pour payer nos factures ? Et notre loyer c’est vous qui allez le payer ? » A ces cris, à ces pleurs, nos deux directeurs répondent par des sourires et des phrases de provocation du style « Tant pis vous serez à la rue ! ». Des policiers appelés en renfort s’interposent entre les directeurs et les salariés, les juges et l’avocat des régies s’éclipsent piteusement et les deux affameurs sortent sous la protection de la police. Pour des cadres du social cela la fout plutôt mal…Prévenu, le procureur descend voir ce qui se passe ce qui nous donne l’occasion de lui dire que l’on attend toujours sa réponse à notre courrier du printemps dernier où nous pointions déjà dans cette affaire les graves dysfonctionnements de la justice. [4]
Enfin le tribunal est évacué et c’est sur le trottoir que les salariés se rassemblent pour reprendre leurs esprits…

Ce qui est grave dans cette attitude inédite du TGI c’est que les juges ont délibérément décidé de passer par-dessus un jugement rendu sur lequel ils n’avaient pas à se prononcer et de fait ont quasiment annulé l’exécution provisoire !! Ramenée à d’autres affaires cela voudrait dire qu’il ne peut plus y avoir d’exécution provisoire et que toutes les manœuvres dilatoires pour échapper à une condamnation sont permises !

Ce qui est grave aussi c’est que des gens qui se disent acteurs sociaux se comportent de la sorte vis-à-vis de salariés qui sont parmi les plus mal payés et les plus exploités du corps social français. En ce qui concerne Régie Nord, son attitude est d’autant plus scandaleuse que, prenant en compte le fait que la Régie s’était retirée au 1er septembre, les salariés lui avaient proposée un protocole d’accord qui la mettait à l’abri de toute demande allant au-delà de la période où elle était présente sur le marché. Au lieu d’accepter ce protocole, elle a préféré mettre en péril son existence – et donc l’emploi des autres salariés – tablant sur le report de la décision du tribunal. A croire qu’une fois de plus les adversaires des salariés étaient bien informés…A croire aussi que le fait que 40 pères et mères de famille ne soient une nouvelle fois pas payés n’empêchent pas de dormir nos soi disant acteurs d’insertion…Peut être après tout attendent ils que les salariés, tombés au RMI, en soient réduits à reprendre leur ancien travail via le RSA…c’est-à-dire avec 700 euros de moins par mois…

Ce qui est grave enfin (et surtout ?), c’est l’attitude irresponsable et antisociale des pouvoirs publics, vraie droite et fausse gauche réunies.

Loin de céder à l’abattement pour les salariés ce qui est à l’ordre du jour c’est l’organisation de la colère et l’action face à cette justice en laquelle ils ne croient plus du tout, cette ADOMA première coupable qui joue de ses relations pour se dégager de ses responsabilités, ces régies qui se réfugiant derrière l’argument de l’insertion se comportent comme des patrons de combat ne reculant devant aucune magouille pour casser une disposition importante du droit du travail, ces pouvoirs publics, Etat et Conseil Général réunis, premiers financeurs et décideurs des employeurs, qui laissent faire dans un silence complice.

Dès ce jeudi 23 avril ils tiennent, en compagnie de leur fédération et de leur union locale, une conférence de presse pour dire comment ils vont agir à tous les niveaux pour répondre à ce nouveau coup de force.

Comme le dit le communiqué commun des organisations de la CGT :ADOMA on ne lâchera pas !


[1Voir dans cette même rubrique les épisodes précédents de ce Dallas social
SONACOTRA la sale attitude
ADOMA une longue histoire d’amour (I)
ADOMA de plus en plus sociale (II)
ADOMA une longue histoire d’amour (III) : ADOMA déboutée !
ADOMA une longue histoire d’amour (IV) : Y a-t-il un donneur d’ordres dans la salle ?
ADOMA une longue histoire d’amour (V) : ADOMA condamnée !
ADOMA de plus en plus sociale
ADOMA une longue histoire d’amour (VI) : Qui aime bien châtie bien
ADOMA une longue histoire d’amour (VII) : L’amour vache !.
Une longue histoire d’amour (VIII) : Les mystères de l’amour.
Les délits de l’amour ou les drôles de pratiques d’ADOMA (IX).
Audience et parcours champêtre (X).
Une longue histoire d’amour (XI) 45€.
Une longue histoire d’amour (XII) En attendant le 17 novembre.
Une longue histoire d’amour (XIII) En attendant le 12 décembre.
Une longue histoire d’amour (XIV) La justice reconnait le droit au travail des salariés.

[2délibéré sur le siège : les juges suspendent l’audience et se retirent délibérer afin de donner immédiatement leur décision. Procédure que les salariés d’ADOMA n’ont jamais pu obtenir dans aucune des audiences précédentes malgré leur demande au vu de l’urgence de leur situation

[3par ailleurs d’ordinaire un des avocats attitrés du MEDEF marseillais, puisque c’est bien connu le MEDEF est spécialiste de l’insertion…

[4Courrier auquel il n’a jamais répondu, pas plus que le premier président de la chambre sociale de la cour d’appel n’a répondu à celui que nous avons fait dans l’été et pointant lui le fait qu’un mois à l’avance ADOMA écrivait connaître la teneur d’un jugement à venir !



Documents joints

Lettre au président de la cour d'appel
Lettre au procureur
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