Obama, le G20, l’omniprésident et le reste du monde

mercredi 5 novembre 2008
par  Charles Hoareau
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Ainsi donc l’espace de quelques heures la crise mondiale a disparu des écrans et des postes radios pour laisser la place à l’évènement planétaire de la première élection d’un président américain noir. Qui peut nier le symbole que représente cette élection pour toutes celles et tous ceux qui au moins une fois dans leur vie se sont affrontés au racisme ? Il n’est que de lire, dans nombre d’articles et même chez nombre d’hommes politiques où on ne l’attendrait pas, la filiation qui est faite avec Martin Luther King, Malcom X ou Angela Davis [1] pour s’en convaincre.
Comment ne pas se sentir ému devant la joie des habitants du Bronx ou du Kenya, devant cette grand-mère qui a connu l’interdiction du droit de vote ou cette américaine qui déclare qu’elle n’a pas voté pour lui parce qu’elle a trop peur qu’il soit assassiné ? Nous ne ferons pas ici l’analyse du résultat d’autres la feront [2].

Bien sûr nous savons que le monde ne change pas avec cette élection, que Obama n’est pas l’homme providentiel qui d’ailleurs n’existe pas et que le capitalisme n’a pas été vaincu le 4 novembre 2008. Nous ne sommes pas dupes non plus des récupérations politiciennes qui sont faites non seulement de l’évènement mais aussi de l’histoire par celles et ceux qui, pour ne prendre qu’un exemple, se sont même opposés à ce qu’une rue de leur ville porte le nom d’Angela Davis. De ce point de vue le gouvernement Sarkozy, celui-là même qui promulgue les plus dures lois contre les immigrés, qui n’hésite pas à déployer des forces de police impressionnantes comme ce fut le cas encore le 3 novembre à Marseille pour interdire un rassemblement réclamant des ponts et pas des murs entre les deux rives de la Méditerranée, ce gouvernement là n’est pas en reste de démagogie. Pour un peu Sarkozy voudrait nous faire oublier qu’il a parlé du mouton dans la baignoire…

Pour commenter l’évènement, comble d’ironie, France Inter outre l’inévitable Cohn-Bendit-grâce-à-qui-mai-68-est-arrivé et le-porteur-de-riz-Kouchner, avait invité Hubert Védrine, un spécialiste de l’Afrique et de l’antiracisme puisque son nom revient souvent à propos des complicités de la France dans le génocide au Rwanda et le non moins inévitable Bernard Henri Lévy qui connait des noirs pauvres puisqu’il en a vu à la télé quand il avait 6 ans.
Evidemment ils nous ont tous vanté le modèle de démocratie que sont devenus les Etats Unis, en nous disant, maintenant et seulement maintenant que du temps de Bush c’était vraiment pas possible…

Nous n’ignorons pas non plus que cette élection, si elle est porteuse d’un réel espoir (avec son lot d’illusions) en particulier pour les pauvres qui, là bas, ont voté en masse pour le nouveau président, elle ne peut être l’arbre qui cache la forêt. Comme le soulignait le directeur d’un journal américain, d’un certain point de vue, nombre de droits ont régressé depuis Martin Luther King. 11% des jeunes noirs sont en prison et 60% de ceux qui quittent l’école sans diplôme iront en prison avant l’âge de 40 ans !

Le capitalisme ce n’est pas le cholestérol…

L’émotion passée reste le monde dans lequel on vit et la crise du système qui le gouverne. Car c’est bien tout le système qui est dans une crise grave. Comme le disait récemment un ami syndicaliste : « Le capitalisme ce n’est pas le cholestérol ! Il n’y a pas d’un côté le mauvais capitalisme qui est le capitalisme financier et de l’autre un capitalisme industriel qui lui serait bon. » Le capitalisme est un tout qui, si on voulait en rester aux comparaisons médicinales, est un cancer qui, par sa logique, ronge l’humanité et la planète toute entière.

La bulle financière s’est nourrie des choix de gestion du capitalisme industriel. La production de richesses en particulier dans les pays du G7, ceux qui veulent donner des leçons au monde, au lieu d’être mise au service du progrès social a été investie dans la finance avec les résultats que l’on sait.

Un journaliste soulignait récemment : « Aux USA un propriétaire américain sur six possède une maison dont la valeur est aujourd’hui inférieure à l’endettement qui a rendu son acquisition possible. Autrement dit que s’il revendait son actif immobilier au prix du marché — à supposer qu’il y parvienne… —, cet Américain se retrouverait à la fois sans domicile et endetté. » Sans parler de ces américains expropriés dont le nombre a augmenté de 21% en un an et que certains groupes républicains voulaient empêcher de voter...

Une telle situation, souligne le Wall Street Journal, amplifie le climat récessif aux Etats-Unis, dans la mesure où ces propriétaires, soudain dépourvus de la richesse qu’ils croyaient détenir, consomment moins et évitent de s’endetter davantage. Au même moment, les propriétaires d’actions sont eux aussi frappés par la baisse de leurs actifs financiers, et les retraités, enchaînés à des fonds de pension dont la valeur s’écroule, par le rendement moindre de leurs placements. On mesure ici quelques-unes des conséquences sur l’« économie réelle », c’est-à-dire sur la vie des gens, de la crise financière actuelle. Les traders de Wall Street, de Londres, de Madrid et de Paris ne sont pas forcément les plus à plaindre.

Et le journaliste déjà cité de poursuivre : « La Banque mondiale fixe le seuil de pauvreté à 1,25 dollar par jour et par habitant. Ce qui on le reconnaîtra est très bas. Donc si l’on considère ce seuil très bas, toujours selon la Banque Mondiale, le nombre de pauvres dans le monde a été spectaculairement réduit de 1981 à 2005, puisqu’il est passé de 1,9 milliard à 1,4, et comme durant le même temps la population mondiale s’est accrue, la pauvreté a été réduite de moitié : de 52% à 26% de la population mondiale.
Mais regardons-y de plus près :
- 1- Si l’on remonte le seuil de pauvreté à 2,5 dollars par jour et par habitant , on compte alors plus de 3 milliards de pauvres, soit plus de la moitié de la planète.
- 2- Ces observations datent de 2005, donc comme le reconnaît la banque Mondiale, la situation risque en ce moment d’évoluer défavorablement vu la hausse des prix alimentaires en particulier.
- 3- cette réduction de la pauvreté est en fait très inégale. En Afrique sub-saharienne, la proportion des pauvres a augmenté entre 1981 et 1986, pour diminuer, mais sur la période elle est restée constante. La moitié de la population vit avec moins de 1,25 dollar par jour. Ce qui a créé l’effet de diminution est essentiellement du à l’Asie où le taux de pauvreté est passé de 79 à 18%, et de 84 à 16% pour la Chine.

On peut dire que la Chine porte une grande part de cette lutte contre la pauvreté. Et si l’on va au fond des indicateurs de développement humain, l’évolution est tout aussi intéressante.

Parmi les deux milliards d’enfants que compte la planète, la moitié vit dans la pauvreté absolue, et subit de graves privations, qui entraînent la mort, mais aussi la destruction des capacités. Bien sûr ce sont les pays pauvres qui payent ce lourd tribut mais la pauvreté des enfants tend à augmenter dans les pays riches, et ce en liaison avec les politiques néo libérales. Ainsi on compte 2,4% d’enfants vivant dans la pauvreté au Danemark contre 21,9 aux Etats-Unis (chiffres de 2005).
Les Chinois ont gagné 5 ans d’espérance de vie de 1978 à 2008, cette espérance de vie est aujourd’hui de 72 ans. dans le même temps, le taux de mortalité infantile a baissé de 56% et le taux de mortalité maternelle a chuté de 60%.

Fin 2007, la Chine comptait sur son territoire quelques 315 000 établissements médicaux et le système de santé mis en place touche la quasi-totalité des Chinois. Un milliard de Chinois bénéficient désormais d’une couverture médicale.(…)
J’ajouterai à ces chiffres ceux-ci :

Les inégalités de salaire se sont accrus dans les pays riches, le rapport entre le salaire des 10% les mieux payés et celui de 10% les moins bien payés a augmenté de 14% dans l’OCDE. Les inégalités sont restées stables en France et au Japon [3]. Le “modèle” étant les Etats-Unis où les 20% des ménages les plus pauvres ne disposent que de 3,4% de l’ensemble des revenus [4] , avec on l’a vu 21,9% des enfants vivant dans la pauvreté."

Il faut changer de système !

Et face à cela que propose notre omniprésident-qui-est-un-grand-ami-d’Obama-et- qui-va-sauver-le-monde ? Refonder le capitalisme pour mieux continuer avec un système à bout de souffle. Autrement dit il nous fait le coup du cholestérol !!

Il s’agite, G4, G7, G20, bref il gesticule en croyant que cela va masquer les plans de licenciements qui s’ajoutent à la baisse généralisée de la part des salaires dans le PIB. Au passage on remarquera qu’il ignore la proposition de Chavez de réunir non, un cartel de gouvernements confondant cancer et cholestérol, mais l’ensemble des pays de la planète y compris (et surtout ?) ceux qui ont choisi un autre mode de fonctionnement, qui sont par nature protégés de la spéculation, ceux qui à l’image de l’Argentine viennent d’abandonner la retraite par capitalisation, bref ceux qui essaient d’inventer le seul système d’avenir, le socialisme du 21e siècle.

Evidemment pour eux ce serait admettre l’échec et la nécessité de changer de système. Pour les y contraindre il n’y a pas d’autre choix que d’agir haut et fort en disant : « Nous refusons de payer votre crise ! »

Les docteurs et les devins

Un dernier mot. Certains dans la période se découvrent des talents de devins ou de docteurs au diagnostic sûr et au traitement infaillible. Ils interviennent dans les médias sur l’air de : « On l’avait prévu, voilà ce qu’il faut faire ! ».
Notre journaliste cité plus haut indique :« Les docteurs convoqués par les médias au chevet du capitalisme comptent souvent au nombre de ceux qui, il y a à peine quelques mois, vénéraient le « libéralisme », voire exigeaient que la gauche s‘y convertisse sans tarder. Ainsi, il paraîtrait que MM. Alain Minc, Jacques Attali, Laurent Joffrin, Nicolas Baverez, Bernard-Henri Lévy, Jean Peyrelevade, ont toujours été des pourfendeurs de la liberté des marchés.
Marianne du 4 octobre 2008 présente en ces termes M. Attali : « Dans son rapport commandé par l’Elysée, l’économiste prévenait déjà des dangers de la spéculation financière. » L’hebdomadaire a sans doute lu distraitement ledit rapport qui réclamait [5] : « Réorienter massivement le régime fiscal de l’assurance-vie et du Plan d’épargne en actions vers l’épargne longue investie en actions (à coupler avec les fonds de pension) .

Quant à M. Peyrelevade, ancien patron du Crédit lyonnais, aujourd’hui conseiller économique de M. François Bayrou, interrogé sur la crise financière par le mensuel Capital, il livrait le diagnostic suivant : « Grâce à [leur] réactivité, les Etats-Unis devraient parvenir à garder sous contrôle leur crise immobilière » ; « Je ne crois pas que la faillite de Lehman Brothers annonce un tsunami financier mondial. » Cet entretien est paru dans le numéro... d’octobre 2008. »

Nous devons à la vérité de dire aux docteurs qu’ils se trompent de traitement et aux devins qu’ils ne sont pas les premiers à avoir prévu ce qui arrive. Il y en a même un, dont les livres font actuellement un tabac dans les librairies, qui avait dit bien avant eux : « Le capitalisme est un système historiquement condamné. »

La différence c’est que lui avait prescrit le bon remède.

Ce docteur-devin s’appelait Karl Marx.


[1tous noms évoquant pour les militants d’un certain âge autant de manifs que l’on a faites

[2On ne peut que conseiller sur ce sujet l’analyse à chaud qu’en a faite Danielle Bleitrach

[3chiffres de juin 2007, et qui ne tiennent pas compte de la politique impulsée par Sarkozy

[4chiffres de 2004

[5« Décision 305 » destinée à « modifier la fiscalité de l’épargne pour favoriser le risque plus que la rente »



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Tract crise

Commentaires

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samedi 29 novembre 2008 à 07h37 - par  Claude Choquet
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vendredi 7 novembre 2008 à 22h59 - par  Charles Hoareau

Le commentaire par la lecture, ce fait de lui meme. EXCELLENT