Elle est poubelle , la vie ?

mercredi 10 septembre 2008
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A Romainville, les ordures ne sont plus l’ordinaire des seuls pigeons et rats...

Un bruit sourd et visqueux, c’est un tombereau d’ordures lâché par deux bennes dans la cuve du Syctom (Syndicat intercommunal de traitement et valorisation des ordures ménagères de l’agglomération parisienne , à Romainville en Seine-Saint-Denis.

La fosse est immense, il le faut, pour recueillir les déchets de 83 communes de l’Est parisien.

D’un côté, les poubelles jaunes du tri sélectif.

De l’autre, en haut d’un escalier de métal, un petit parapet surplombe la montagne de sacs plastique explosés dans une puanteur douceâtre et vomitive.

« Et encore, il fait un peu froid, faut sentir quand ça se réchauffe ! », souligne un employé.

En surface, c’est bombance pour les pigeons bien gras, qui picorent à coeur joie, il paraît qu’en dessous les rats festoient.

Aux commandes de sa pelleteuse jaune à chenille, casque sur la tête, un homme évolue bravement sur la colline en décomposition.
Il saisit, écrase, aplatit, repousse et pousse, pour remplir, en contrebas du gouffre immonde, une benne mince et profonde.
Le chargement file vers le « tapis » de triage.

Et qui fait ce boulot ?

Comme partout, des sans-papiers, bien sûr !

En tout cas, 18 connus sur les 160 employés du site.

Réclamant leur régularisation, ils occupent les lieux depuis un mois, ont planté leur tente blanche et un barbecue sur la pelouse, à deux pas du tri.

Intérimaires à répétition, depuis quatre, cinq, six, parfois dix ans, sous-traités par une agence pour le compte de Veolia et Urbaser - les géants de l’environnement.

« On voit passer toute la merde, résume l’un deux, les couches-culottes, la pourriture, et même les chats morts et une bouteille de gaz qui a explosé un jour... »

A dix par tapis, les trieurs ont chacun leur rôle : "Moi, c’est les cartons, les autres font les bouteilles blanches de produits ménagers, les transparentes, il y a aussi les canettes, les briques de boisson, les papiers, la ferraille, les téléphones... jusqu’aux refus, ce qui ne peut pas être recyclé et qui sera brûlé.

De toute façon, tout se revend..."

Dehors, c’est décharge sauvage, le long du mur gris de l’enceinte.

Bouts de carton, bidons d’huile de vidange noire, pots de peinture, contreplaqués, canapés défoncés, images, vieilles valises éventrées, sacs, documents comptables...

"Ils viennent la nuit, en douce, et pas seulement des particuliers, surtout des entreprises !, raconte un gardien, impuissant.

Des hommes marchent sur les détritus en fouillant.

Ce sont des Roms qui chinent la ferraille et espèrent la trouvaille.

En face du centre des ordures, la pancarte EDF prévient : « Attention danger de mort »

La sortie de secours est bouchée par une avalanche de jolis ballots, soigneusement scotchés, bourrés de feuilles de plastique à dessins argentés.

Tout à coup, le ramassis bouge.

Une tête de femme en émerge.

Vieillie et fatiguée, elle tousse fort dans le plastique.

C’est là qu’elle vit, sous les paquets. Deux ou trois bouts de contreplaqué tiennent sa cabane.

On pourrait être dans les faubourgs de Rio, du Caire ou de Bombay.

Romainville, dépaysement garanti, à deux pas de Paris.

Par Dominique Simonnot dans le Canard enchaîné du 03/09/2008

Transmis par Linsay



Commentaires

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jeudi 11 septembre 2008 à 11h52 - par  MARAT

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