Ouagadougou tourne le dos à Paris

mardi 2 septembre 2008
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Comme le dit Aminata Traore l’Afrique est riche et c’est pour cela qu’elle est pillée. Et pour ce travail il y a concurrence témoin cet accord signé le 14 juillet. Hasard du calendrier ?

Il va pleuvoir des dollars sur le Burkina. Annoncée depuis plusieurs années, l’affaire est définitivement dans le sac, avec la signature, le 14 juillet, d’un accord de coopération entre le Burkina et l’agence américaine d’aide au développement Millennium Challenge Corporation (MCC). La délégation du Burkina aux States est à la mesure de l’événement : Blaise himself [Blaise Compaoré, le président du Burkina], accompagné par son argentier en chef, signataire du document, et quelques autres ministres impliqués directement dans la gestion de cette manne. En attendant de sentir et de palper “en live” les dollars ou ce qui en tiendra lieu, ce sont quelque 204 milliards de francs CFA [326 mil­lions d’euros] qui sont annoncés pour être investis dans les secteurs de l’agriculture, des infrastructures, de l’hydraulique et de l’éducation des filles.

Mais, comme on l’aura compris avec les péripéties du séjour américain de Blaise Compaoré, il n’était pas seulement question de négocier des sous. L’historique rencontre avec le président américain, même si c’est de George W. Bush qu’il s’agit, est là pour en témoigner. Les observateurs avisés rapportent que, depuis Maurice Yaméogo [président de 1960 à 1966], aucun autre chef d’Etat burkinabé n’avait eu ce privilège. Et l’on comprend qu’il s’agit bien d’un honneur de se faire recevoir par le chef de l’Etat le plus puissant du monde, quand on voit comment certains présidents, africains notamment, n’hésitent pas à embaucher des cabinets de lobbying payés des centaines de millions juste pour arracher quelques minutes d’entrevue avec le locataire de la Maison-Blanche. Blaise, lui, a réussi son coup après un véritable parcours du combattant, parfois très sinueux. Il peut alors savourer légitimement les éloges dont l’a couvert Bush, en l’accueillant comme le “constructeur de paix”, le pacificateur de la région.

Notre réputation de mauvais garçon, de trublion de l’Afrique de l’Ouest, n’aura pas été inutile. Quels qu’aient été les moyens et la méthode employés, l’on constate que Blaise a réussi le pari de se faire adouber au pays des cow-boys et à élargir considérablement son espace diplomatique.

Et nos ancêtres les Gaulois dans tout ça ? En effet, beaucoup d’observateurs auront relevé que la signature de l’accord a eu lieu un certain 14 juillet. Simple coïncidence ou signification particulière ? Entre un Blaise Compaoré plastronnant aux côtés d’un Chirac sur les Champs-Elysées un 14 juillet, comme ce fut le cas en 1995, et un Blaise Compaoré arpentant les rues de Washington pour assister à la signature de l’accord du siècle un 14 juillet, il y a un choc des images qui n’est pas gratuit. Le couple Compaoré-Sarkozy n’a donc pas la même intensité que le couple Compaoré-Chirac. En 2005, lors de sa visite en France, Blaise Compaoré avait avoué qu’il ne connaissait pas Sarkozy du temps où, ministre de l’Intérieur, il faisait des frasques dans le village françafricain avec son concept d’immigration choisie. Et, depuis l’arrivée de Sarkozy à l’Elysée, les relations franco-burkinabés ont connu des heurs et des malheurs. Bernard Kouchner, qui a fini par se rendre au Burkina, a plusieurs fois posé des lapins à ses hôtes. Dans tous les cas, nos ancêtres les Gaulois savent que les Burkinabés, extrêmement jaloux de leur indépendance, ne sont pas du genre à s’en laisser conter.

En effet, pourquoi se scotcher à un Sarkozy, connu pour son atlantisme trépidant, pourquoi faire la cour aux anges, alors que l’on peut avoir accès à Dieu lui-même ? Car si les Africains ont pendant longtemps rêvé d’Europe, les Européens, eux, rêvaient d’Amérique. Alors, pourquoi ne pas aller directement en Amérique sans passer par la case Europe ? Surtout quand on voit beaucoup de pays européens se chercher dans cette conjoncture internationale impitoyable. Il n’y a qu’à écouter les “déclinologues” en France pour prendre la mesure des recompositions géopolitiques en cours. Paris restera certainement toujours notre métropole adorée, mais l’amour quasi exclusif, fait d’attirance-répulsion, qui a longtemps irrigué nos rapports a certainement vécu. Pour le meilleur et pour le pire.

Par A. Traoré

Transmis par Linsay



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