Krach 2008 ?

mercredi 30 janvier 2008
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L’annonce par la Réserve fédérale (Fed) d’une baisse importante de ses taux d’intérêt parviendra-t-elle à éviter une récession aux Etats-Unis et à éloigner le spectre d’un krach mondial ? De nombreux experts le croient. Ils redoutent au plus une réduction du rythme de la croissance.

Mais d’autres analystes, adeptes pourtant du capitalisme, se montrent très inquiets. Ainsi, par exemple, en France, M. Jacques Attali prophétise que « bientôt (...) la Bourse de New York, caution de la pyramide des emprunts, s’effondrera » ; M. Michel Rocard n’hésite pas à renchérir : « J’ai la conviction que ça va bientôt exploser (1). »

Il faut dire que les signes de méfiance se multiplient. En témoigne l’actuelle « ruée vers l’or ». Le métal jaune – dont les cours, en 2007, ont progressé de 32 % ! – reprenant son rôle de valeur refuge. Tous les grands organismes économiques, dont le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), prévoient une baisse de la croissance mondiale.

Presque tout a commencé en 2001 avec l’éclatement de la bulle Internet. Pour préserver les investisseurs, M. Alan Greenspan, président de la Fed, décide alors d’orienter les investissements vers l’immobilier (2). Par une politique de taux très bas et d’abaissement des frais financiers, il encourage les intermédiaires financiers et immobiliers à inciter une clientèle de plus en plus large à investir dans la pierre. C’est ainsi qu’est mis au point le système des subprime, crédits hypothécaires à risque et à taux variable consentis aux ménages les plus fragiles (3). Mais lorsque, en 2005, la Fed augmente les taux directeurs de l’argent (ceux-là mêmes qu’elle vient de baisser), elle détraque la machine et déclenche un effet domino qui, à partir d’août 2007, fait vaciller le système bancaire international.

La menace d’insolvabilité de quelque trois millions de ménages, endettés pour environ 200 milliards d’euros, entraîne la faillite d’importants établissements de crédit. Pour se prémunir contre ce risque, ceux-ci avaient vendu une partie de leurs créances douteuses à d’autres banques, lesquelles les avaient cédées à des fonds d’investissement spéculatifs qui les ont à leur tour disséminés. Résultat : comme une épidémie foudroyante, la crise atteint l’ensemble du système bancaire.

D’importants établissements financiers – Citigroup et Merrill Lynch aux Etats-Unis, Northern Rock au Royaume-Uni, Swiss Re et UBS en Suisse, la Société générale en France, etc. – ont fini par reconnaître des pertes colossales. Pour limiter la casse, plusieurs d’entre eux ont dû accepter des capitaux provenant de fonds souverains contrôlés par des puissances du Sud et des pétromonarchies.

Nul ne connaît encore l’ampleur exacte des dégâts. Depuis août 2007, les banques centrales américaine, européenne, britannique, suisse et japonaise ont injecté dans l’économie des centaines de milliards d’euros sans parvenir à restaurer la confiance.

De l’économie financière, la crise s’est propagée à l’économie réelle. Et une conjonction de facteurs – baisse accélérée des prix de l’immobilier aux Etats-Unis (mais aussi au Royaume-Uni, en Irlande et en Espagne), dégonflement de la bulle des liquidités, chute du dollar, restriction des crédits – fait craindre, en effet, un net recul de la croissance mondiale. A cela s’ajoutent d’autres phénomènes comme la hausse des prix du pétrole, des matières premières et des produits alimentaires. Soit les ingrédients d’une crise durable (4). La plus importante depuis que la globalisation constitue le cadre structurel de l’économie mondiale.

Son issue réside désormais dans la capacité des économies asiatiques à relayer le moteur américain. Il s’agirait alors d’une nouvelle manifestation du déclin de l’Occident, présageant le déplacement prochain du centre de l’économie-monde des Etats-Unis vers la Chine. A ce titre, cette crise marquerait la fin d’un modèle.

Par Ignacio Ramonet Le Monde diplomatique de février 2008

Transmis par Linsay.


(1) Respectivement L’Express, Paris, 13 décembre 2007, et Le Nouvel Observateur, Paris, 13 décembre 2007.

(2) Cf. « Crises financières à répétition : quelles explications ? quelles réponses ? », Fondation Res Publica, Paris, 2008.

(3) Cf. André-Jean Locussol-Mascardi, Krach 2007. La vague scélérate des « subprimes », Le Manuscrit, Paris, 2007.

(4) Lire Frédéric Lordon, « Quand la finance prend le monde en otage », Le Monde diplomatique, septembre 2007.
Édition imprimée — février 2008 — Page 1



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