Pour un Parti des communistes de France

jeudi 6 décembre 2007
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(et quelques remarques à propos d’un texte de Lucien Sève)

La direction du Parti communiste a décidé de transformer le Congrès extraordinaire en assemblée des délégués de section. Le Congrès véritable devant se tenir en 2008. Sans doute les communistes ont-ils besoin de plus de temps pour réfléchir et décider de leur avenir. Dans le même temps qu’ils sont requis par l’actualité des luttes sociales pour riposter à Sarkozy, ils peuvent mettre à profit ce délai pour engager une vraie réflexion. Celle-ci s’esquisse à peine. Du côté de la direction, comme chez la plupart des militants, c’est l’incertitude qui domine. Deux attitudes opposées (mais à certains égards symétriques) se manifestent. Il y a ceux qui se prononcent pour garder le parti communiste et ceux qui proposent de l’abandonner. Soit en étant partie prenante d’une « chose » pour l’instant mal définie, une nouvelle formation politique, comportant peut-être une « composante communiste », (de Gayssot à Cohen-Séat), soit en maintenant la référence au communisme mais en tentant de dépasser la forme parti. La formulation la plus claire de cette dernière position a été exprimée par un récent texte de Lucien Sève qui circule sur internet.

Je voudrais avancer l’hypothèse que l’alternative réelle à laquelle les communistes sont confrontés n’est pas le maintien du Pcf tel qu’il est (réduit à une peau de chagrin) ou sa liquidation.

Lucien Sève pense que tout le mal vient de la forme parti, avec sa structure verticale, qui induirait une conception obligatoirement aliénante (et donc non communiste) de la politique. Il faudrait en finir avec le parti et créer plutôt un mouvement (pour lequel il suggère un nom, « Initiative communiste »). Il y a dans sa critique de la « verticalité » une part de vérité. Trop souvent en effet les directions n’ont pas été au centre, mais « au sommet’ ». Même si le travers que Lucien Sève dénonce n’est sans doute pas spécifique au parti communiste. Il est une tendance en quelque sorte naturelle de tout appareil dont l’existence elle-même finit par l’emporter sur la raison d’être. Mais à partir du constat juste que les moyens ont eu tendance à devenir fins en soi, il en vient à abandonner les moyens. Il insiste sur le fait que le communisme est le « mouvement du réel qui abolit l’état présent » et ce mouvement devient tout. But et moyen à la fois. Plus d’obstacle et plus de ces anciens moyens de les surmonter qu’étaient la révolution, le socialisme, le parti… Il y a là quelque chose qui ressemble à un retour au communisme utopique et à l’angélisme dont Marx (et Lénine, à qui Sève se réfère pourtant) avait tenté de guérir le mouvement ouvrier.

Concernant le parti, sa proposition aboutit en pratique à laisser le parti et son « appareil » à la direction. Or, pour que le mouvement prenne corps, pour que les idées deviennent force matérielle, il faut aussi des « appareils ». Nous aurions aujourd’hui grand besoin d’un parti, avec ce que cela suppose aussi de centralisation des expériences, de formation des adhérents et de moyens.

La seule façon de se prémunir contre le danger de bureaucratisation, d’institutionnalisation et de dégénérescence du parti n’est pas d’abandonner le « parti » pour le « mouvement », mais d’unir « parti » et « mouvement ».

Nous avons besoin d’un parti réellement communiste, c’est-à-dire qui permette à la classe ouvrière, au sens actuel du terme, de gagner son indépendance politique à l’égard de la bourgeoisie et de devenir le sujet conscient et actif de sa propre histoire. Pour cela il faut un parti communiste idéologiquement autonome.

Avec Strauss-Kahn au FMI, Lamy à l’OMC et Hollande d’accord avec Sarkozy pour faire passer et douce le mini-traité européen… il est clair que la direction du Ps est devenu une béquille du grand capital.
Ce n’est pas tant la soumission du Pcf au PCUS dans les années cinquante, ou le fait qu’il ne se serait pas encore assez affranchi de la « matrice » d’Octobre qui expliquent son effacement actuel … que sa soumission au Ps. Le Ps a besoin du PCF comme il a besoin du PRG, c’est à dire d’un parti réduit à une simple étiquette à seule fin de maintenir les apparences d’un rassemblement de la Gauche.

La première question est donc d’ordre stratégique. Le Pcf doit faire le choix qu’il n’a pas fait lors de la présidentielle, ce qui lui a coûté si cher. Sans renoncer aux possibilités d’union avec certains socialistes (ou avec le Ps en tant que tel sur certains sujets), il doit s’affranchir de la tutelle du Ps et faire le choix d’être du côté de la vraie gauche. Il peut et doit jouer un rôle essentiel dans la formation d’une sorte de nouveau front populaire, un front social et solidaire, une Convergence anti-capitaliste, capable de faire pièce au bipartisme que l’on est en train de nous imposer. Plutôt que la création d’un nouveau parti (avec qui ?), cela semble la voie réaliste, correspondant au respect des uns et des autres et à l’état actuel du mouvement. Nous avons d’abord besoin d’un parti qui renoue avec le mouvement de ceux qui luttent.

Dans le même temps, il faut renouer avec le mouvement dans le parti. Lors de la rencontre de Vénissieux, nous avons été plusieurs, venant de différents départements à avoir avancé une idée nouvelle : l’idée d’un Parti des communistes de France. Pourquoi « Parti des communistes de France » ? A la fois pour affirmer la filiation avec le meilleur de l’héritage du Pcf (les luttes ouvrières, la défense de la souveraineté nationale, l’anticolonialisme), mais aussi pour marquer la nécessité de dépasser le Pcf dans sa forme actuelle.

Si ce parti en est où il en est, c’est aussi parce qu’il a failli, comme parti révolutionnaire, du fait de défauts rédhibitoires (électoralisme, abandon du marxisme, rupture avec le monde du travail, manque de démocratie interne) qui ont favorisé le suivisme politique, l’affaissement idéologique et l’effacement militant.

Dire Parti des communistes de France (et non pas Parti communiste français) c’est d’abord une façon d’affirmer, face à la globalisation capitaliste, la nature internationaliste du communisme. Le communisme ne peut être que s’il est projet mondial et pas seulement projet national. S’il veut être un outil d’union du prolétariat moderne, (c’est à dire de tous ceux qui ne possèdent que leur force de travail), le parti communiste doit être un parti où se retrouvent à égalité travailleurs français et immigrés (lesquels constituent environ un tiers de la classe ouvrière).

Dire « Parti des communistes de France », c’est aussi affirmer la volonté d’unir la « force communiste » dans sa diversité, en tenant compte des courants réels qui la traversent. Un tel parti doit accepter la libre confrontation des points de vue, le pluralisme aujourd’hui inévitable de ceux qui se réclament du communisme et qui, malgré leurs différences, ont bien des raisons de travailler ensemble. Il doit donc naturellement reconnaître le droit de tendances (seul antidote au conformisme stalinien ou réformiste) mais aussi prévoir sa contrepartie obligée : la recherche permanente de l’unité, de façon fraternelle, dans la discussion et dans l’action.

Cette proposition nouvelle, à soumettre à la réflexion de tous, peut ouvrir une perspective unificatrice à la fois pour ceux qui sont toujours membres du parti et aussi pour les communistes qui n’en sont pas ou plus membres mais n’ont pas pour autant renoncé à la lutte ni au communisme. Un appel dans ce sens devrait leur être lancé.



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