TGV Est : réussite technologique et embrouilles capitalistiques

mercredi 27 juin 2007
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A part Fillon qui avait pris l’avion pour mieux critiquer un train qu’il n’a pas pris tout le monde s’accorde à reconnaître la réussite technologique que représente le TRV Est. Si on parle vitesse tout va bien. Si on parle service c’est une autre histoire.

Les étudiants

Les étudiants qui doivent faire tous les jours l’aller-retour entre Reims et Paris vont devoir payer l’abonnement quatre fois plus cher qu’en Corail !
_ Leur budget train passe ainsi de 113,50 euros à plus de 500 euros. [1]
Le journal l’Ardennais rapporte le cas de cet étudiant marnais de 25 ans, qui ne peut pas compter sur ses parents pour financer ses études à Sup de Co Reims.
Mais il a trouvé la parade.
Via une convention, c’est France Télécom qui s’acquitte des 7.700 euros de frais de scolarité annuels, en échange de quoi, il doit faire trois mois de stage dans l’entreprise, en alternance avec trois mois de cours à l’école, le tout pendant deux ans.
Le souci est que son stage a lieu à Paris et donc il ne peut arriver à boucler ses fins de mois, une fois payés l’abonnement TGV, le logement à Reims, la nourriture et les factures.
"La solution pour moi est de demander à ma banque un prêt étudiant", déplore-t-il.
Finalement il se demande s’il a fait le bon choix, en restant dans sa région natale.
"J’avais été reçu à Marseille et Toulouse.
J’ai pris Reims, parce que c’était près de Paris et qu’il allait y avoir le TGV, sans savoir le prix qu’il coûterait

La solution : un corail encore plus lent. !!

Au-delà des problèmes rencontrés dans l’immédiat par les stagiaires, l’augmentation du coût de transport ferroviaire devrait concerner à la rentrée universitaire l’ensemble des étudiants ayant préféré résider dans la région tout en suivant un cursus à Paris pour des raisons économiques.

A moins qu’ils ne décident de se rendre à Paris en Corail, ce qui est encore possible pour 113,50 euros par mois à condition de faire un changement à Epernay.
Ces étudiants "navetteurs" en seront quitte pour un voyage d’une durée comprise désormais entre 1h50 et 2h40 (au lieu de 1h30 avant le 10 juin) alors que le nouveau train relie Reims à Paris en 45 minutes...
Un comble pour ces étudiants qui ne s’attendaient pas à rester sur le quai à regarder passer les TGV.

La sur occupation

Pour être rentable, notion Ô combien fondamentale, il convient de s’assurer que tous les trains seront complets. Et là manifestement la SNCF a bien compris la leçon. Aucun risque que des trains soient à moitié vides, pas un train de « trop »...au risque de décourager des clients (ne dites plus usagers c’est ringard, un client ça paye et ça pose pas de questions). La presse locale rapporte cet exemple de salariés de la région parisienne contraints de monter à bord sans billets faute de réservations disponibles, d’autres qui laissent éclater leur colère "C’est la dernière fois que je prends le TGV ! Désormais, je prendrai le Corail pour aller à Paris via Epernay même si ça met deux heures. je pourrai, comme avant prendre un billet à la dernière minute et bénéficier d’heures de retour libres"

Quand on interroge la SNCF sur cette surcharge la réponse est limpide "Notre service marketing a pris en compte le trafic habituel plus une montée en charge liée à la mise en place de la desserte à grande vitesse", assure pourtant Alain Wehr, directeur commercial pour Champagne-Ardenne. Si c’est le service marketing qui le dit alors c’est certainement vrai, puisque le marché a toujours raison...
Il a tellement raison que l’on ne compte plus les usagers obligés de voyager en première (des grincheux qui ne savent pas goûter aux joies du confort) ou les éternels râleurs qui contestent le nombre de trajets surtaxés.
Franchement c’est pas plus mieux moderne des tarifs qui vous font payer plus cher quand vous avez plus besoin du train que ceux d’avant qui vous faisaient payer un insipide tarif unique au Km : quel ennui !

Pour essayer d’améliorer les choses la SNCF peut-elle mettre en place des trains supplémentaires ?

Eh non soyons sérieux ! Les dessertes ne peuvent être revues que deux fois par an, en juin et en décembre : ça c’est du service à la carte !
"Nous pourrons vraiment mesurer la fréquentation à la rentrée, une fois passée la période de découverte de la ligne", ajoute M. Wehr.
En attendant, les voyageurs n’ont guère le choix entre reprendre le Corail ou s’adapter aux rigidités de la réservation.

Autre problème : l’indemnisation des propriétaires fonciers.

Tous les propriétaires et exploitants ayant dû céder des champs pour la construction de la ligne à grande vitesse n’ont pas été indemnisés alors que le nouveau train circule déjà.

Pour une partie des agriculteurs marnais dont les terres se situent sur le tracé de la ligne à grande vitesse, le TGV est en train de battre un nouveau record de ...lenteur.
Ils se plaignent de ne pas avoir encore perçu les indemnités promises par Réseau ferré de France (RFF) constructeur de la ligne.

"Le TGV circule sur des terrains privés. Demain, on pourrait aller sur la voie pour semer du blé", ironise Nicolas Hautus, agriculteur à Beaumont-sur-Vesle.
Des propriétaires et des exploitants de cette commune du sud de Reims ont cédé 12 hectares de champs pour aider le bolide gris et bleu à traverser le département à 320 km/h.
Le village ayant opté pour une procédure de remembrement "avec inclusion de l’emprise", le sacrifice se répartit sur l’ensemble des agriculteurs.
Courroie de transmission, l’association fonçière a bien reçu de RFF en mars dernier une promesse de vente de 90.000 euros et des bulletins d’indemnités d’un total de 100.000euros, mais la transaction et les versements n’ont toujours pas eu lieu.
"C’est comme si l’acquéreur d’un terrain à bâtir construisait sa maison avant d’avoir payé et signé l’acte de vente", remarque Nicolas Hautus.

Le cas de Beaumont - dans le lot des communes ayant choisi l’inclusion de l’emprise - n’est pas isolé -.
"La moitié des propriétaires et des exploitants n’ont pas encore été indemnisés", estime Antoine Bertin, chargé des questions foncières à la FDSEA [2]

Et demain l’autoroute A4 bis

En plus des problèmes de répartition, les agriculteurs sont confrontés à des casse-tête juridiques, comme aux Mesneux, près de Reims.
"RFF devait nous verser entre 2.500 et 3.000 euros parce que la ligne coupe nos chemins à plusieurs reprises", explique Thierry Griffon, président de l’association foncière. "Mais leur notaire dit que nos chemins ne figurent même pas sur la matrice cadastrale.
Comment faire ?"
Dans ces conditions, les discussions préalables à l’A4 bis, qui doit permettre de contourner Reims par le Sud-Est en ponctionnant un peu plus encore sur les surfaces cultivables, promettent d’être tendues.
Cette fois les agriculteurs demanderont sans doute d’être payés cash à défaut d’être donnés gagnants dans ce nouveau combat du pot de fer contre le pot de terre.

Rouge Midi d’après une série d’articles de Julien Bouillé parus dans l’Ardennais et transmis par Linsay


[1518, 50 exactement en prenant l’abonnement salarié qui, dans le maquis des tarifs désormais en vogue à la SNCF, se trouve être le moins désavantageux

[2Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles



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