Pour un système de représentation proportionnelle à l’assemblée nationale

mercredi 4 juillet 2007
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La proportionnelle empêche la formation de majorités stables, dit-on, tout du moins en France... mais 24 pays de l’UE sur 27 ont recours à la représentation proportionnelle intégrale ou à un scrutin mixte pour élire leurs députés.

La France se distingue avec son scrutin majoritaire uninominal à deux tours, véritable aberration politique qui écarte de toute représentation parlementaire plusieurs millions d’électeurs.

Et, contrairement à une autre idée reçue, ce n’est pas l’élection du président de la République au suffrage universel direct qui implique une bipolarisation de la vie politique entre la droite et la gauche, mais bien l’élection des députés au scrutin majoritaire car ce dernier est souvent un « scrutin d’alliances », notamment au second tour...

Avec 39,54% des voix au premier tour de l’élection législative du 10 juin dernier, l’UMP obtient finalement environ 55% de sièges à l’assemblée nationale ! Un parti minoritaire dans le pays mais majoritaire à l’assemblée nationale, ainsi va la 5e République depuis 1958. Si les électeurs du MoDem, attachés au pluralisme, n’avaient pas contribué à faire élire des élus socialistes au second tour des élections législatives, le décalage aurait été encore plus choquant.

Entre 2002 et 2007, plus de 63 % des sièges de l’assemblée Nationale avaient été acquis à l’UMP, alors que ce parti n’avait rassemblé que 33 % des suffrages exprimés au premier tour et moins de 50 % au second tour, alors que le FN, malgré ses 11 % au premier tour, était tout simplement resté absent des bancs de l’assemblée, alors que les verts (4,5%), malgré un score similaire à celui du PCF (5%) et de l’UDF (4,85%), ont du se contenter de 3 députés élus.

Partielle ou intégrale, le but de la proportionnelle réside avant tout dans le fait de ne pas exclure de toute représentation parlementaire les forces politiques en marge des deux grands pôles politiques. Son objectif fondamental est de réduire l’écart entre la part du vote national que reçoit un parti et sa part de sièges au parlement ; un parti important ou un petit parti devant obtenir à peu près un nombre de sièges proche du pourcentage de voix obtenues dans le pays.

La représentation proportionnelle est un choix fréquent parmi les pays démocratiques. Ce système domine en Amérique Latine et en Europe de l’Ouest. Il représente environ un tiers des pays en Afrique.

Même si les sièges sont souvent accordés au sein de circonscriptions à vocation régionale dans un certain nombre de pays (l’Allemagne, la Namibie, Israël, les Pays-Bas, le Danemark, l’Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande), la distribution des sièges est en général déterminée par le scrutin national global.

Dans un système de représentation proportionnelle, la formule utilisée pour calculer la répartition des sièges peut avoir un effet sur les résultats de l’élection. On utilise en général soit la méthode de la « plus forte moyenne » ou celle du « plus fort reste ». Cependant, du point de vue des résultats globaux, il est encore plus important de tenir compte de deux autres facteurs : la limite géographique des circonscriptions et le seuil établi pour la représentation.

Plus le nombre de représentants au sein d’une circonscription est élevé et plus son seuil de représentation est faible, plus le système électoral sera proportionnel et plus les petits partis minoritaires auront de chances d’obtenir des sièges.

En Israël, le seuil est de 1,5 %, alors qu’en Allemagne, il est de 5 %. Aux îles Seychelles, il est de 10 % pour 23 sièges. En Afrique du Sud, en 1994, en l’absence d’un seuil légal de représentation, le Parti africain démocrate-chrétien a décroché deux des 400 sièges, avec seulement 0,45 % du suffrage national.

La fixation de ce seuil, aujourd’hui éventuellement en France, ne serait pas un acte anodin car avec un pourcentage de 5% par exemple, seuls l’UMP (39,54%), le PS (24,73%) et le MoDem (7,61%) auraient obtenu des sièges lors de l’élection législative du 10 juin 2007 ; les autres formations : PC (4,29%), FN (4,29%), EXG (3,41%) Verts (3,25%), RG (1,32%), MPF (1,20%), ne réussissant pas à franchir 5% des voix.

D’autres éléments importants sont à prendre en considération comme la définition des limites des circonscriptions électorales, la façon dont les partis constituent leurs listes ( bloquées ou non bloquées), la complexité du bulletin de vote (éventail des choix offerts à l’électeur entre partis ou entre candidats et partis), les arrangements formels ou informels pour la « mise en commun des votes » ou la marge tolérée pour les ententes entre les partis, comme le permettent les systèmes qui utilisent l’apparentement.

Une excellente étude menée par la Fondation pour l’innovation politique (http://www.fondapol.org) démonte littéralement les vieilles théories sur la soi-disant inefficacité de la représentation proportionnelle. En effet, tout porte à croire qu’à l’exception de celles de 1997, toutes les élections législatives, organisées avec le système Joxe de 1986 (proportionnelle intégrale dans le cadre de circonscriptions départementales), auraient permis la formation d’une majorité parlementaire digne de ce nom... Le comble, c’est que ce mode de scrutin appliqué aux élections de 1988 aurait permis au groupe socialiste d’être majoritaire, alors que le scrutin majoritaire à deux tours l’en avait empêché !

Des circonscriptions législatives découpées de façon fantaisiste et douteuse

Outre le caractère anti-démocratique du scrutin majoritaire, un deuxième scandale réside dans le fait d’avoir découpé les 577 circonscriptions législatives (555 en métropole et 22 en Outre-mer) selon les mêmes miroirs déformants que pour le découpage des cantons : surreprésentation de certaines populations, sous estimation d’autres, volonté de voir au moins deux députés par département sans tenir compte du nombre d’habitants, etc.

Le dernier charcutage des circonscriptions opéré par un orfèvre en la matière - Charles Pasqua - date de 1986 et il était fondé « officiellement » sur le dernier recensement de 1982 ! C’est ainsi qu’à Saint Pierre et Miquelon le 17 juin 2007, il a fallu 1816 voix pour élire un député sur 4923 inscrits alors que dans la dixième circonscription des BdR, il en a fallu 39 837 sur un total de 123 761 inscrits !

Dans le premier tome de ses Mémoires, qui viennent de paraître sous le titre « Ce que je sais », Charles Pasqua explique comment il parvint à faire adopter ce découpage, sans trop de heurts : « S’agissant de cette loi électorale et du remodelage des circonscriptions qu’elle organisait, je dirais qu’elle garantissait, en conditions normales de scrutin, un tiers des sièges à la droite, avec un petit avantage au RPR (ce qui correspondait au rapport des forces dans le pays), un tiers à la gauche, l’attribution du dernier tiers résultant de la glorieuse incertitude du vote » .

Le principe constitutionnel est ainsi bafoué constamment depuis 1958 sans qu’aucun gouvernement ne change vraiment ces règles. Même le conseil constitutionnel a renoncé à une règle qu’il avait lui-même pourtant édifié selon laquelle chaque circonscription ne devrait pas s’écarter en proportion de plus de 20% de la moyenne départementale ; ce qui revient à dire que dans un département de 400 000 habitants, comptant quatre circonscriptions, aucune ne doit avoir moins de 80 000 habitants, ou plus de 120 000. Or, plus de 70 circonscriptions bafouent aujourd’hui cette règle établie par les partisans du scrutin majoritaire ! Une autre particularité française qui consiste à piétiner le principe constitutionnel de l’égalité des suffrages entre citoyens...

L’opposition de l’UMP et la timidité des propositions du PS ne permettent pas d’instituer un vrai système proportionnel

À l’exception de Nicolas Sarkozy, tous les candidats à la dernière élection présidentielle étaient favorables à l’instauration d’une proportionnelle partielle (François Bayrou, Frédéric Nihous, Ségolène Royal, Philippe de Villiers) ou d’une proportionnelle intégrale (Olivier Besancenot, José Bové, Marie-Georges Buffet, Arlette Laguiller, Jean-Marie Le Pen, Dominique Voynet).

L’UMP, fidèle a sa culture de parti hégémonique et godillot, continue d’amuser la galerie en réfléchissant à l’hypothèse d’une dose de proportionnelle, de préférence homéopathique...mais ne renoncera jamais au scrutin majoritaire.

Quant au PS, en page 62 de son petit opuscule « Réussir ensemble le changement » il se dit favorable à l’élection d’un député sur cinq élu à la proportionnelle, soit 20%, mais les choses ne sont pas aussi évidentes au regard de l’histoire récente...

En 1958, les socialistes de l’époque (ex SFIO) apportèrent leur soutien au Général de Gaulle pour faire disparaître le scrutin proportionnel qui rimait avec le régime des partis. En 1983, pour des raisons électorales tactiques, Laurent Fabius proposa la proportionnelle intégrale pour favoriser le Front National et ainsi mieux isoler la droite. Sans oublier que Lionel Jospin, Premier ministre de 1998 à 2002, ignora complètement pendant toute la durée de son quinquennat cette exigence démocratique. Sans oublier encore que pendant la dernière campagne présidentielle, Ségolène Royal n’a jamais précisé la dose de proportionnelle qu’elle entendait retenir si elle était élue...

Parmi les partisans d’un scrutin mixte, seul, François Bayrou a une position claire et équilibrée sur le sujet en proposant de changer la loi électorale de façon à ce que la moitié des sièges soit attribuée à la proportionnelle et l’autre moitié au scrutin majoritaire de circonscription, avec une barre à 5% des suffrages. Avec une telle réforme, une représentation substantielle des courants d’opinion et des territoires serait assurée et n’enlèverait pas l’effet majoritaire.

Ce type de scrutin mixte est en vigueur dans tous les Etats d’Europe, c’est à peu près le système allemand, toutes les composantes politiques légales, y compris les extrêmes, étant représentées au Parlement. Que Jean-Marie Le Pen, Alain Krivine et Arlette Laguiller siégent au Parlement européen n’a jamais empêché de voter des lois. Au contraire, cela oblige les démocrates à s’entendre, ce qui est un bienfait plutôt qu’un problème...

Mais avec un système mixte de 10 ou 20% de sièges à la proportionnelle, cela ne serait pas suffisant pour assurer la nécessaire représentation des différentes sensibilités politiques. 10 ou 20% sur un total de 577 sièges, c’est finalement peu de choses.

Outre le taux de sièges acquis à la proportionnelle, ce type de scrutin suppose aussi de définir les contours du cadre géographique dans lequel les députés sont élus, le choix le plus judicieux étant sans doute la circonscription régionale pour assurer une représentation des différentes opinions et des territoires plutôt que la circonscription départementale du système Joxe de 1986.

Il suppose enfin de redéfinir les frontières des circonscriptions actuelles pour l’élection des députés élus au scrutin majoritaire grâce à un redécoupage de nouvelles circonscriptions par un agrandissement des circonscriptions existantes, étendues éventuellement à plusieurs départements, de façon à respecter enfin le principe de l’égalité des voix, bafoué depuis 1958.

Il n’y a plus aucune raison de continuer à élire nos députés au scrutin majoritaire. C’est intolérable parce que nous vivons aujourd’hui au XXIe siècle et que la France est une démocratie, loin des crises politiques de 1958.

Les Français ne sont pas des veaux, ils veulent une assemblée représentative, qui ne soit plus à cent lieux de la diversité du vote citoyen. Dans un système de proportionnelle intégrale au niveau national par exemple, le MoDem (1 981 121 voix) aurait obtenu environ 43 députés, le FN (1 116 005 voix) 24 députés, le PC (1 115 719 voix) 24 députés et les verts (885 884 voix) 19 députés !

Il est temps de rendre au peuple la politique et le rétablissement de la proportionnelle avec au minimum 50 % de députés élus au scrutin proportionnel plurinominal, comme cela se fait dans une écrasante majorité de pays européens.



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