L’échelle mobile des salaires : une revendication oubliée

dimanche 10 juin 2007
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Depuis la suppression de l’échelle mobile des salaires au début des années 80, le niveau réel des salaires baisse régulièrement.

Un tel dispositif indexant les salaires sur l’indice des prix et visant à maintenir le pouvoir d’achat des salariés était une vieille revendication du mouvement syndical mais elle ne semble plus aujourd’hui d’actualité, ni pour les organisations syndicales, ni pour les partis politiques...

Si ne pas être au chômage constitue une chance pour beaucoup, travailler donne de moins en moins la possibilité de vivre décemment, en particulier pour les salariés les moins qualifiés, en CDD, contrats d’intérim, CNE, travail à temps partiel subi, etc.

Quelques chiffres

Aujourd’hui, la France compte plus de 7 millions de pauvres, au sens des critères retenus par l’union européenne - 60% du revenu médian, soit environ 780 ââ€Å¡¬ par mois - et 2 540 000 personnes sont payées au SMIC.

30 % des salariés à temps plein (hors intérim) touchent un salaire inférieur à 1,3 SMIC (moins de 1 630 ââ€Å¡¬ bruts par mois). Moins mal lotis, mais loin d’être aisés, près de la moitié de l’ensemble des salariés, soit 8,5 millions de personnes, touchent entre 1,3 et 2 fois le SMIC (soit entre 1 630 ââ€Å¡¬ et 2 500 ââ€Å¡¬ bruts par mois).

Un scénario bien rodé

Chaque année, c’est à peu près le même scénario qui se produit : les pouvoirs publics et le patronat proposent, dans les secteurs public et privé, un pourcentage d’augmentation des salaires inférieur à l’indice des prix, les organisations syndicales soumettant, quant à elles, un pourcentage supérieur.

Puis, dans un second temps, souvent après quelques manifestations ou grèves, les pouvoirs publics et le patronat, faisant mine de reculer, proposent un pourcentage d’augmentation supérieur à celui proposé initialement mais cependant toujours inférieur à l’inflation !

Ce scénario se reproduit ainsi, cahin-caha, depuis le début des années 80, alors que la protection du pouvoir d’achat des salariés devrait dépendre d’un mécanisme précis, s’appliquant de façon automatique chaque année, au même titre que l’indexation de certains avantages sociaux ou prestations familiales.

Le tournant de 1982...

C’est en 1982, sous la présidence de François Mitterrand, que la gauche a opéré un tournant historique. Voulant lutter contre l’inflation, le blocage des salaires et des prix fut imposé de juin à novembre.

Dans la Fonction Publique, l’Etat bloqua les salaires qui avaient suivi l’évolution des prix les années précédentes. Il incita ensuite les employeurs du secteur privé à faire de même, en les invitant à faire évoluer les salaires en fonction non de la hausse réelle des prix, mais du taux d’inflation "prévu" par le gouvernement.

Les clauses d’indexation des salaires sur les prix furent une à une retirées des conventions collectives dans les années qui suivirent. Elles étaient de fait considérées comme illégales depuis une ordonnance d’Antoine Pinay en 1959, mais après mai 1968, elles réapparaissaient dans certaines conventions.

Puis les lois Auroux ont réaffirmé leur interdiction dans le Code du Travail, article L.141-9 : "sont interdites, dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance ou des références à ce dernier en vue de la fixation et de la révision des salaires prévus par ces conventions ou accords."

...Et le grand virage de 1983

En 1983, Jacques Delors, ministre de l’économie et des finances, décida de deux plans d’austérité et le pouvoir d’achat des salariés commença à diminuer régulièrement, l’échelle mobile des salaires ayant été supprimée sans pour autant que le chômage diminue. [1]

Aujourd’hui, outre la revalorisation annuelle du SMIC (3,05% d’augmentation au 01/07/06 donnant 1254 ââ€Å¡¬ bruts pour 35 heures hebdomadaires), les salaires évoluent en pratique :

- soit à l’occasion d’une négociation individuelle entre l’employeur et le salarié

- soit au cours de négociations conclues entre les partenaires sociaux

Lorsqu’un accord est conclu, un avenant s’ajoute à la convention collective et s’applique à tous les employeurs concernés, après parution d’un arrêté ministériel. Des accords peuvent également être prévus dans le cadre de l’entreprise. Ils se superposent alors aux conventions collectives, ce qui signifie qu’ils ne peuvent en aucun cas prévoir des salaires inférieurs à ceux déjà fixés par la convention collective.

Si les salaires les plus bas sont automatiquement réévalués en fonction du SMIC, ces augmentations n’entraînent pas, par contre, la réévaluation des salaires supérieurs à cette rémunération minimale. En effet, la loi interdit la réévaluation automatique des salaires en fonction du SMIC ou de tout autre indice. Cette pratique, renouvelée chaque année, tasse de plus en plus les grilles hiérarchiques vers le bas...

Un indice des prix bien pratique...

Mais la situation des salariés est aussi aggravée par un indice officiel des prix à la consommation qui ne reflète pas la réalité.

Aujourd’hui, en vue des négociations salariales 2007, les directions d’entreprise s’appuient sur le chiffre officiel de l’inflation, environ 1,5%, pour négocier comme d’habitude à minima. En réalité, la hausse des loyers autorisée par le tout nouvel indice de référence des loyers (IRL) est de 3,19% et l’augmentation des prix des produits alimentaires se situe entre 1,7% et plus de 3,6% !

En fait, même si les prix des produits manufacturés restent maîtrisés (diminution de 0,10%), la mesure de l’inflation ne concerne que les prix à la consommation. Cet indice ne dit donc rien, par exemple, de la fiscalité et gageons qu’entre impôts directs et indirects, la fiscalité augmentera de plus de 1,5% !

Enfin, même pour la consommation, quand un nouveau produit est mis en vente, l’augmentation de prix par rapport au produit ancien n’est pas intégré dans l’indice.

L’indice des prix calculé par l’INSEE est d’autant plus fantaisiste qu’il n’a jamais intégré l’augmentation des prix camouflée par les « arrondis » opérés nettement à la hausse après le passage à l’euro et par un blocage ou une diminution de salaires liés au passage aux 35 heures dans la plupart des entreprises.

Afin d’enrayer l’érosion continue du pouvoir d’achat des salariés, il est donc urgent de réintroduire un système d’indexation des salaires à l’indice des prix car l’inflation, même si elle plus faible aujourd’hui que dans les années 80, touche en priorité les salariés et les couches sociales les plus fragiles.

En ayant négligé le problème de la défense du pouvoir d’achat, tous les gouvernements successifs, depuis 1983, ont une lourde part de responsabilité dans les difficultés que rencontrent aujourd’hui des millions de personnes.

Mais ceci n’a pas l’air de sauter aux yeux de nos femmes et hommes politiques...


a


[1de 1970 à 1990 la part du salaire - direct plus cotisations - dans le PIB est passée de 70% à 60% soit 120 à 150 milliards d’euros par an. Cette dimunution ne s’est pas démentie voir aussi la France entre déclin et modèle social (VI) . NDR



Commentaires

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samedi 16 juin 2007 à 00h37 - par  Albert Ricchi
jeudi 14 juin 2007 à 22h51

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