L’ Olympisme : une utopie malmenée

mercredi 31 août 2005
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Un excellent article paru dans un 4 pages édité par le secteur confédéral CGT activités sportives et dont on se demande pourquoi il n’a pas été diffusé et surtout pourquoi il a été retiré du site de la CGT...

Pour qui en doutait, ou qui refusait devoir la réalité en face, la farce du jeu imposé pour postuler à l’attribution de l’organisation des jeux olympiques était une duperie érigée en système. En effet, aucune ville ne s’est vue attribuer les jeux olympiques sur la seule base d’un dossier technique, aussi bien constitué soit-il, comme ce fut le cas pour celui de Paris. Il entre pour partie entre 15 et 20 % dans la décision finale. Quoiqu’en disent certains, ce sont principalement les contingences « économico politiques » qui entrent en ligne de compte, comme ce fut le cas pour le choix de Pékin qui faisait une entrée remarquée sur le théâtre mondial, ou encore pour les jeux « Coca Cola » (sponsor du CIO depuis 1926) d’Atlanta aux Etats Unis.

L’opacité, et les rites proches de la franc maçonnerie, ne laissent la place à aucune règle simple et préalablement définie. Les enjeux géopolitiques sont intervenus pour une partie non négligeable dans la décision finale. La coalition impliquée dans le conflit en Irak, même si elle trouvait des adversaires au sein même du CIO, ne pouvait que trouver des alliés au sein du bloc anglo-saxon et de ses affidés. D’autre part, la politique contestée et contestable de la France en direction de l’Afrique, et plus généralement des pays en voie de développement en ce qui concerne l’application à minima de mesures concrètes comme l’annulation de la dette, a certainement généré des rancoeurs qui ont trouvé de l’écho dans le soutien aux autres candidatures. Il n’est qu’à voir le décompte des voix à chaque tour de scrutin, où Madrid s’est retrouvé devant Paris à l’issue du deuxième tour, pour s’en convaincre.

Le Comité international olympique

Autre facteur qui se superpose au précédent demeure dans la composition du Comité international olympique. Ce n’est pas une institution au mode de fonctionnement de type international.
Tous les membres sont cooptés par leurs pairs dont 93 l’ont été sous la présidence de Samaranch. 54 membres sur 116 sont européens (dont dix têtes couronnées) et 33 viennent de pays en développement. Des alliances circonstancielles se nouent liées à l’effet controversé du « lobbying » effectué par les comités de candidatures. Lors de la candidature de Pékin, celle-ci avait emporté l’adhésion de 8 des 10 ou 11 pays africains francophones contre la candidature de Paris pour avoir construit dix stades en Afrique dans les années précédentes (cf le Monde du 5 juillet 2005). Cette fois, les Anglais avaient déclaré disposer de 20 millions d’euros pour offrir des cadeaux aux sportifs et à leurs dirigeants sans oublier le geste promis en direction des comités nationaux olympiques susceptibles de soutenir Londres. Mais le plus important restent les réseaux d’influence comme celui dont dispose l’inoxydable petit marquis franquiste, Luis Antonio Samaranch, qui a fait basculer les Jeux olympiques modernes dans l’affairisme en transformant le CIO en multinationale du sport (voir dans document joint p 3).

L’olympisme est-il le modèle de fraternité et de retrouvaille des peuples que l’on voit
ressurgir à chaque Olympiade ?

Rien n’est moins sûr. Dès l’origine, les Jeux olympiques ont été le théâtre d’âpres luttes et à l’issue des compétitions qui se déroulaient sans merci, il y avait souvent des victimes. La seule donnée positive était la trêve que les cités grecques respectaient pendant leur déroulement. Il n’y avait ni fraternité, ni plaisir de la compétition, seulement une lutte destinée à désigner un vainqueur. Les jeux modernes remis au goût du jour s’inscrivent dans cette lignée. Il est utopique de croire que leur fondement était dicté par un esprit éthique, solidaire et fraternel. Le baron Pierre de Coubertin n’était ni un démocrate, ni un humaniste. Il s’inscrivait dans la continuité de l’esprit aristocratique concernant le « métier des armes » et de la conception de « l’esprit sain dans un corps sain » propre à l’ère industrielle. Dès l’origine, il avait exclu les femmes des jeux et ses écrits témoignent de son ignorance des égalités raciales. Aujourd’hui, nationalismes exacerbés et mercenariat de sportifs en quête de pays d’adoption pour une sélection sont le lot des Jeux olympiques modernes. En ce qui concerne Samaranch, il a transformé le CIO, dont l’existence n’aurait dû se justifier que par la tenue des Jeux olympiques tous les quatre ans, en entreprise financière.

Enregistré à Lausanne comme organisation à but non lucratif, soumis à la seule juridiction du canton de Genève et édictant ses propres règles sans aucun contrôle des nations participantes, c’est le seul organisme où la préséance en usage dans les instances internationales n’a pas cours. Les membres du CIO, comme dans toute religion, voient les dirigeants internationaux se courber devant eux pour satisfaire au rite obligé que ses membres ont eux mêmes instauré, pour gagner la compétition de la candidature. Où est la saine compétition et l’égalité des chances dans cette débauche de moyens financiers puisque le coût de la seule candidature de Paris revient à 27 millions d’euros auxquels il faut ajouter les 6 millions d’euros du film de Luc Besson ?

Le financement du Cio et le coût estimé

Dans une candidature, tout est toujours le mieux dans le meilleur des mondes. C’est ainsi que tout ce qui compte sur la planète « sport », sans oublier le milieu politico syndical s’est engouffré dans cet espace censé apporter un bol d’air frais économique. Outre les jeux du cirque modernes pour distraire la population, les Jeux olympiques étaient censés créer des emplois pérennes dans les secteurs du tourisme et du sport sans oublier la création d’infrastructures, du moins c’est ce qu’affirmait une étude du Boston Consulting Group, sans le moins du monde étayer son propos. C’est également oublier les financements publics qui auraient été à la charge des citoyens et la casse des politiques sportives basées sur le sport de masse, le sport à l’école (qui devient optionnel) et le mouvement associatif, casse entreprise par l’actuel ministre des Sports. Montréal a mis quarante ans à épurer sa dette et Albertville termine de payer, sachant que ce sont les contribuables qui financent, alors que selon la formule consacrée « les jeux devaient payer les jeux ».

Avait-on besoin des Jeux olympiques pour créer des infrastructures ?

Le développement des transports en Ile-de-France était déjà inscrit au contrat de plan « Etat Région », mais le financement était bloqué. Il aurait donc suffit d’avoir les Jeux olympiques pour voir la situation se débloquer ! Quant à la construction de logements sociaux sur le site des Batignolles, sur financement public, c’est un projet qui peut être mené à son terme par une action volontariste des pouvoirs publics, si tant est qu’ils le veuillent. C’est pourquoi nous prenons acte des déclarations du Premier Ministre et du maire de Paris (cf le communiqué de la Cgt du 7 juillet 2005) s’engageant à réaliser la plupart des équipements prévus dans le dossier de candidature.

Des jeux éthiques ?

L’arrivée en force du marketing a transféré les décisions d’ordre sportif des mains des fédérations internationales dans celles des médias. C’est ainsi que la chaîne américaine ABC décide du choix (beach-volley) et des horaires des disciplines ainsi que de l’évolution des règles sportives en rapport avec son audimat (coupures publicitaires). Quant au dopage, l’Olympisme, comme les sports professionnels, il compose avec. L’ Agence mondiale Antidopage vient ainsi de produire deux listes, dont l’une autorise à prendre des produits à l’entraînement. Il faut savoir que c’est un certain Hein Verbruggen, président de l’organisation cycliste internationale qui avait dirigé la commission d’évaluation ayant éliminé la candidature de Paris pour 2008, au moment où M.G. Buffet oeuvrait pour faire admettre une loi contre le dopage en France pendant qu’éclataient les affaires du Tour de France Cycliste. Il est toujours membre influent du CIO. Hypocrisie et volonté de cacher la réalité des dérives du sport sont aujourd’hui la règle. Cela ressemble aux symptômes d’une fin de civilisation à moins que l’intervention citoyenne conduise à un changement radical de cette conception des Jeux olympiques.

Jean-François Davoust



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