Selon que vous serez puissant ou misérable...

jeudi 15 mars 2007
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En ces temps de débat présidentiel, où l’on disserte beaucoup sur la justice, l’égalité, le partage des efforts, le goût du risque et les valeurs communes fondant l’identité d’un pays, voilà deux histoires qui en disent long sur les moeurs contemporaines

Licencié de son poste de directeur financier d’Havas, lors de la prise de contrôle du groupe par Vincent Bolloré, Jacques Hérail s’est tourné fort normalement vers les prud’hommes, comme toute personne jugeant son licenciement abusif. Depuis que la valse des emplois est devenue le principal sport national, loin devant le foot, l’affaire est banale. Ce qui l’est moins, c’est le montant des indemnités obtenues par Jacques Hérail : 5,2 millions d’euros, soit 4160 fois le Smic brut mensuel.

La somme est évidemment proportionnelle aux anciens revenus de l’impétrant, qui n’étaient pas tout à fait ceux d’un Rmiste. N’empêche : le montant de l’indemnité laissera rêveur quiconque a une feuille de paie ne ressemblant pas à un parchemin doré. En sus, le conseil des prud’hommes a nommé un expert pour évaluer « la perte de chance du bénéfice des stock-options que Jacques Hérail n’a pas pu exercer du fait de son licenciement ». En somme, l’ex-directeur financier d’Havas aura peut-être une rallonge au nom du manque à gagner sur ses droits acquis de privilégiés, ce qui est la marque d’un humanisme sans rivage.

Au même moment, on apprenait que les 330 salariés de Continental Automotive Systems, qui vient de fermer les portes de son usine d’Angers, avaient dû faire grève pour obtenir une prime forfaitaire de licenciement de 15 000 euros, hors indemnités légales. Certes, Jacques Hérail n’est pour rien dans les déboires des ouvriers angevins. Mais, entre les aumônes proposées aux uns, et les émoluments royaux réservés aux autres, il y a un gouffre moral rappelant la fable où la Fontaine dit : « Selon que vous serez puissant ou misérable... »

Article de Jack Dion du mercredi 14 Mars 2007

Transmis par Linsay


Jack Dion est directeur adjoint de la rédaction de Marianne.



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