Lu dans Le Monde : la France contrainte d’abandonner l’Euro ?

jeudi 14 juillet 2005
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A méditer...

Une étude se demande si la France et l’Italie vont être contraintes d’abandonner l’euro

LE MONDE | 08.07.05 | 14h03 • Mis à jour le 08.07.05 | 14h03

Faut-il renoncer à l’euro ? Depuis le non des Français et des Néerlandais au référendum sur le projet de traité constitutionnel, cette question est posée ouvertement dans plusieurs pays.

Les dirigeants allemands ont émis des réserves publiques sur les bienfaits de l’Union monétaire. En Italie, la Ligue du Nord, parti souverainiste, souhaite le rétablissement de la lire et a lancé une pétition nationale pour que soit organisé un référendum sur le sujet. Mardi 5 juillet, l’un de ses membres, le ministre des affaires sociales, Roberto Maroni, a affirmé que 100 000 signatures avaient déjà été recueillies. Le député de Vendée Philippe de Villiers, l’un des leaders du non, a aussi évoqué un abandon par la France de l’euro.

Dans une étude qu’il vient de publier, Patrick Artus, chef économiste chez Ixis CIB, se demande si la France et l’Italie, en se retrouvant dans une impasse économique, ne seront pas contraintes de sortir de l’euro. « Il ne s’agit pas de faire de la provocation inutile mais de nous demander si l’évolution à moyen terme de la situation économique de la France et surtout de l’Italie ne rendra pas les avantages liés à la sortie de l’euro supérieurs aux coûts. »

M. Artus s’appuie sur la grave détérioration économique que subissent ces deux pays : pertes de croissance et d’emplois dus aux pertes de marché ; croissance des exportations très inférieure à celle du commerce mondial ; réduction de l’effort d’investissement en raison de la faiblesse de la demande, avec pour effet de freiner les gains de productivité ; dégradation constante du commerce extérieur ; difficulté d’empêcher une hausse continuelle du taux d’endettement public dans un contexte de croissance anémique et d’inflation basse.

« COÛTS GIGANTESQUES »

M. Artus calcule que, compte tenu des perspectives démographiques, la croissance potentielle s’établirait à 1,2 % par an en France et à 0 % en Italie. De plus, dans dix ans, le taux d’endettement public serait de 79 % du produit intérieur brut en France et de 133 % en Italie si on extrapole les tendances actuelles. « On peut craindre à cinq ans, à dix ans que la France et l’Italie ne soient dans une situation très difficile », estime-t-il.

Quels seraient les avantages de la sortie de l’euro ? Le premier serait de redonner de la compétitivité aux deux économies par le biais de la dépréciation du taux de change. Les pertes de part de marché de la France et de l’Italie sont liées à la baisse de la qualité de leurs produits mais aussi à la stratégie suivie par l’Allemagne « de baisse non coopérative du coût salarial unitaire ». Depuis la fin des années 1990, le coût salarial unitaire a progressé de 30 % de plus en Italie et de 15 % de plus en France qu’en Allemagne. Sauf à accepter plusieurs années de pertes d’emplois et de revenus comme l’a fait l’Allemagne, « la seule manière pour la France et l’Italie de sortir de cette situation est de sortir de l’euro et de dévaluer » , indique l’économiste.

La dépréciation du taux de change de la monnaie nationale se traduirait aussi par une augmentation du niveau de l’inflation, avec pour conséquence positive les taux réels baissant de réduire la dette publique et la valeur en devises de la dette extérieure.

« Nous ne prévoyons pas que la France et l’Italie vont sortir de l’euro mais nous voulons indiquer les risques que cela soit le cas, explique M. Artus. S’il n’y a pas d’effort de recherche, d’innovation, d’amélioration de la qualité de produit et de respécialisation de l’industrie, ces deux pays connaîtront une croissance potentielle faible et la poursuite des pertes de parts de marché, notamment vis-à-vis de l’Allemagne. Bien sûr, les coûts de sortie de l’euro seraient gigantesques : coûts comptables, informatiques, liés à l’élargissement des écarts de taux d’intérêt vis-à-vis de l’Allemagne... Mais de quelle autre solution que sortir de l’euro disposeront les gouvernements dans dix ans si d’ici là la croissance potentielle et la compétitivité n’ont pas été améliorées ? »

Pierre-Antoine Delhommais
Article paru dans l’édition du 09.07.05



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