C’est décidé je crée mon entreprise !

mardi 6 mars 2007
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Il m’est venu l’envie comme me le conseillent les adeptes du libéralisme de créer ma propre entreprise.

N’ayant pas les moyens financiers de développer mon activité, j’ai imaginé de faire appel aux autorités pour qu’elles me viennent en aide.

Voici donc mon argumentaire :

Introduction

J’habite dans le quartier Noailles depuis maintenant près de quatre ans. Il s’agit d’un quartier très populaire où le commerce de proximité est omniprésent. À côté des boucheries hallal et des primeurs, se développent de nombreuses épiceries vendant à très bas prix des produits à la limite de la date de péremption, limite parfois dépassée sans que cela n’émeuve davantage les autorités chargées de faire respecter les règles d’hygiène et de santé publiques.

Peut-on imaginer dans ce cadre, alors que la population ne cesse de se paupériser, de créer une nouvelle activité ?

I La pauvreté comme moyen de s’enrichir

Contrairement à ce que pourraient penser quelques esprits chagrins, la meilleure façon de s’enrichir est de tondre les pauvres. Je n’en veux pour exemple que l’impôt, la TVA prélevée sur les budgets les plus modestes rapportant bien plus à l’État que l’impôt sur le revenu. En partant de ce postulat, la situation tant géographique que sociale du quartier Noailles est un bon atout pour se faire du fric. C’est ce que les marchands de sommeil ont compris en louant, bien plus cher que les logements sociaux, des taudis où s’entassent des familles dénuées de revenus.

Il en est de même pour ce qui est du crédit, les pauvres payant des intérêts des années durant sur des biens de consommation de première nécessité, comme l’électro ménager. Ne pourrait-il donc ne pas en être de même pour la nourriture ? Je me propose donc de vendre des plats préparés qui pourraient être payés à crédit, les intérêts pouvant s’étaler sur plusieurs mois.

II Des goûts modulables

On dit de la France qu’il est le pays de la gastronomie. C’est sans doute pour cela que les restaurateurs n’ont pas vu venir la concurrence des puissantes chaînes américaines. Qui, il y a trente ans encore, aurait pu imaginer le développement des Mac Donalds et de leurs clones ? Et pourtant ils se sont massivement et durablement installés dans notre pays, imposant de nouvelles habitudes alimentaires qui ne sont guère contestées que pour des raisons diététiques. Le goût tant vanté est aujourd’hui obligé de s’inventer une semaine pour tenter de reconquérir les assiettes de nos concitoyens. Il en est de même des cantines scolaires souvent déléguées à de grands groupes de restauration collective.

Là aussi, la diététique l’emporte sur la culture et l’inventivité de la cuisine française. Si les sandwichs à la viande et les frites surgelées ont pu s’imposer contre le bÅ“uf bourguignon, la potée ou la bouillabaisse, tout plat préparé à bon marché peut conquérir un large public.

III Des mesures de salubrité publique

Quartier commerçant, Noailles abrite un marché permanent six jours sur sept, et cela du matin jusqu’au soir. Cette situation rend difficile le ramassage des ordures. Seule la présence des rats permet de réduire la quantité des déchets qui s’accumulent dans les rues. Cette présence massive ne représente pas que des aspects positifs. Les portes des immeubles fermant mal, les rongeurs s’invitent trop souvent dans les appartements des particuliers. Cela a pour conséquence des amputations, notamment pour les enfants dormant à même le sol. En effet, le rat développe dans sa salive un anesthésiant qui lui permet de dévorer les lobes des oreilles et le bout du nez des dormeurs. Les marins, conscients de ce danger lorsqu’ils naviguaient, ont longtemps dormi dans des hamacs pour s’éviter de tels désagréments. C’est pourquoi, il semble nécessaire de réguler la population des rongeurs, en développant des équipes chargées de les capturer.

IV De nombreuses créations d’emploi

La société que je me propose de développer présente donc plusieurs facettes. La première, comme vous l’avez compris, est celle de la capture. La nuit venue, les rats sortent de leur tanière pour passer d’un tas d’immondices à l’autre. Bien nourris, ils présentent un manque d’agilité et sont donc facilement piégeables. C’est entre minuit et cinq heures du matin qu’une équipe (au moins trois personnes) sera chargée de les capturer. Les moyens les plus efficaces pour rendre la chasse la plus prospère sont encore à étudier. J’ai cependant déjà imaginé un certain nombre de pièges que je vous présenterai ultérieurement. Je demanderai parallèlement aux autorités une aide pour que les caméras déjà installées à Noailles soient équipées d’un système à infra rouge pour mieux suivre les migrations des rongeurs.

À ces trois emplois s’ajoutent ceux des tueurs. Le travail sera assez délicat, car l’animal est réputé farouche et il faudra à la fois protéger sa viande et sa fourrure. Une incision nette et précise devra être opérée au niveau du cou. L’opération exigera des couteaux bien aiguisés pour éviter tout stress à l’animal. Il s’agira ensuite de décoller la peau du reste de la chair. Pour ce faire, il est nécessaire d’avoir un local qui permette l’écoulement du sang avec les eaux usées. Il n’est pas question d’égorger les rats dans des baignoires !

L’avant dernière étape consistera à conditionner la viande et à faire sécher les peaux. La mauvaise réputation des rongeurs exige évidemment que l’animal de boucherie ne soit pas vendu en entier, ce qui exige que ses chairs soient détaillées, épicées et conditionnées dans des barquettes avec l’ajout de légumes et/ou de sauces diverses. C’est une véritable chaîne de production qu’exige cette transformation. Trois à quatre ouvriers seraient nécessaires pour ce travail, l’équipe devant être encadrée par un diététicien pour que le plat ainsi préparé soit conforme aux normes européennes.

Pour ce qui est des peaux, je pense que dans un premier temps, notre entreprise devra faire appel à des partenariats. En effet, même si les rats sont particulièrement gros à Noailles, la confection d’une veste ou d’un manteau exige d’avoir de nombreux individus. Si la matière première est abondante, le travail risque d’être long et fastidieux et il semble impossible de vendre la peau de rat au prix du vison. C’est pourquoi, nous envisageons de faire appel à l’administration pénitentiaire qui propose des contrats particulièrement avantageux pour les petites entreprises comme les nôtres.

V Un plan de développement

En nous appuyant sur la versatilité des goûts alimentaires, l’attrait de la nouveauté, le coût très faible de la matière première et le rôle de salubrité publique pour éradiquer la prolifération d’animaux nuisibles, notre entreprise répond sinon à une attente, du moins au mouvement alliant recyclage et découverte. Il s’agit donc d’une entreprise Å“uvrant pour le bien public et qui doit nécessairement recevoir l’appui de tous ceux qui défendent une véritable politique écologique de retraitement des déchets (une partie des rats collectés sera libérée pour éliminer le surplus d’ordures. D’autre part, des élevages seront développés en laboratoire pour réintroduire l’espèce au cas où elle risquerait de se tarir). C’est donc dans le cadre du développement durable que notre entreprise s’inscrit.

Elle permet d’autre part de nourrir à moindre frais des pauvres qui laissent échapper chaque jour ce qui peut devenir leur première source de protéines. C’est en s’appuyant sur cette incapacité des classes populaires à se prendre en charge elles mêmes, que nous proposons cette nouvelle gamme alimentaire. Pour démarrer notre activité, nous avons donc besoin d’une dizaine de salariés et de locaux à la fois assez vastes (environ 200 m2) et équipés afin de respecter les critères d’hygiène et de santé publique. Vous comprendrez que cette activité, dans un premier temps limitée à titre expérimental à un seul quartier de Marseille, est amené à prendre une grande ampleur.

Comme le hamburger, la viande de rat peut, au delà du dégoût irrationnel, conquérir un large public. Il suffit pour cela de faire tomber les tabous, l’animal étant assimilé aux déchets, ces mêmes déchets étant en partie ramassés par les populations les plus démunies à la fin des marchés. Il s’agirait en fait de rationnaliser, dans une vraie démarche écologiste, les gâchis que produit notre société d’opulence.

Comme je l’ai suggéré précédemment, le rat est aussi un animal à poil. Lorsqu’on pense à tous les sans abris qui meurent en hiver faute de vêtements chauds, le développement de fourrure est indispensable. L’accroissement de la population carcérale est un véritable vivier pour créer de nouvelles activités. De vastes ateliers de couture développés dans nos établissements pénitentiaires permettraient à la fois de canaliser l’agressivité inhérente aux détenus et permettre la création de couvertures et vêtements chauds en fibres naturelles. Emploi, réinsertion, aide aux plus démunis et création de richesses nouvelles, telles sont les perspectives de cette entreprise qui ne demande que votre aide pour pouvoir croître et se développer.

VI Aides publiques pour le bien de l’humanité

Si le projet n’en est qu’à ses balbutiements, c’est faute de moyen. La viande de rat est un peu forte, mais peut être marinée et constituer alors un excellent repas. Ce qui semble le plus difficile c’est de franchir l’obstacle psychologique, obstacle depuis longtemps franchi (du moins dans nos sociétés occidentales )pour le cochon, qui se nourrit lui aussi de restes. C’est donc notre mission première de faire comprendre aux populations les plus démunies que grâce au développement de notre activité, elles pourront donner de la viande à leurs enfants tous les jours. Car, bien évidemment, notre but est de permettre de vendre nos plats préparés à des prix défiant toute concurrence, le kilo de rat se vendant moins cher que le kilo de poulet élevé en batterie.

De fait du gibier moins cher que de la volaille en batterie ! Une vraie révolution ! De la même façon, en parvenant à convaincre l’administration pénitentiaire, nous pourrons réaliser couvertures et vêtements chauds pour un prix modeste. Et il y a peu de chance que des vedettes se mobilisent en défilant à poil dans les rues pour sauver les bébés rats !

Conclusion

Un projet viable, avec à la clé plus d’une dizaine d’emplois pérennes, une activité créée localement avec les gens du quartier, une matière première quasi gratuite et abondante, un projet qui respecte l’écologie et le développement durable... Autant de paramètres qui font de ce projet une véritable rénovation de notre quartier trop longtemps méprisé et trace des perspectives d’avenir quant à l’art culinaire dans nos cités.

Le nom de la boîte ? Des rats... Ciné !



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