Le spectre de la catastrophe nucléaire

Les irresponsables du Nord au Sud...
samedi 30 décembre 2006
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Grillage déchiré, simple cadenas aux portes et surveillance fantaisiste... Attention, dans cet immeuble à l’apparence banale se cache un centre nucléaire en décrépitude

Au milieu du chaos d’étals, de commerces ambulants et d’automobiles qui encombrent la route par laquelle on sort de Kinshasa en direction des collines, rien n’indique la voie à suivre pour rejoindre un groupe de bâtiments on ne peut plus banals, à quelques centaines de mètres de là.

L’enceinte de béton délabré n’est guère protégée que par des barbelés rouillés et un portail branlant fermé par un simple cadenas.Il serait facile de se glisser à travers un trou de la clôture, mais ce n’est même pas la peine :

L’entrée de ce site, prétendument l’un des mieux gardés de la république démocratique du Congo (RDC), reste souvent sans surveillance.

Le jour de notre visite, nous avons déambulé un bon moment dans les couloirs de la plus vieille installation nucléaire d’Afrique, où sont entreposées plusieurs dizaines de barres d’uranium enrichi, sans apercevoir le moindre garde. Puis un homme en survêtement a fini par nous interpeller, en se présentant comme “la sécurité”.

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) considère depuis longtemps le réacteur nucléaire expérimental de Kinshasa comme une catastrophe en puissance, craignant les conséquences d’une surveillance pour le moins nonchalante.

Il faut certes désormais ouvrir trois serrures pour atteindre le réacteur et les barres d’uranium : Il y a des années de cela, le directeur a remis à un inconnu un trousseau contenant l’unique clé donnant accès au cÅ“ur de l’installation. La disparition de deux barres d’uranium enrichi, à la fin des années 1970, a été imputée à cette négligence.

L’une d’elles a refait surface en 1998, alors qu’elle était en route pour le Moyen-Orient grâce aux bons soins de la mafia.

L’autre n’a jamais été retrouvée.

Mais, en dehors des nouvelles serrures, rien n’indique une réelle prise en compte de l’inquiétude exprimée par l’AIEA et les gouvernements occidentaux à l’idée que le réacteur puisse attirer l’attention de terroristes. [1]

Les Etats-Unis, qui ont participé à la construction du site car le Congo avait fourni l’uranium des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, ont cessé de fournir les pièces de rechange il y a près de vingt ans, en raison du délabrement des lieux.Washington a par ailleurs tenté de convaincre récemment les autorités congolaises de remettre aux Etats-Unis les 98 barres d’uranium enrichi stockées ici.

Le premier réacteur nucléaire du pays fut installé en 1958 sur le campus de l’université de Kinshasa, et démantelé lors de la construction du second, en 1972. A la demande de l’AIEA, ce dernier a été mis en sommeil en 1998, officiellement à cause du conflit avec le Rwanda.

Mais l’Agence observait depuis des années avec inquiétude la décrépitude des installations. Elle craignait notamment qu’un accident n’expose Kinshasa aux radiations et ne contamine l’eau.

Ses responsables étaient d’autant plus inquiets que le réacteur est construit sur une zone sujette à l’érosion et aux affaissements de terrain. Le réacteur de Kinshasa pourrait aussi constituer une cible facile pour des terroristes. Même si des organisations criminelles peuvent difficilement fabriquer un engin nucléaire, les barres d’uranium peuvent en revanche aisément servir à la fabrication d’une “bombe sale”, rudimentaire, mais capable de provoquer une contamination.

Aujourd’hui, après ces huit ans de mise en sommeil, les scientifiques du pays espèrent bien remettre l’installation en marche pour les besoins de la recherche médicale ou de la prospection minière. Il est vrai que le centre a au moins le mérite d’être entré dans l’ère informatique.

Il y a un peu plus d’une décennie, il n’y avait même pas le téléphone et les techniciens travaillaient sur des tableaux noirs. La Commission de l’énergie atomique du Congo croit donc en l’avenir.“Maintenant que les élections ont eu lieu et que la guerre est terminée, nous avons bon espoir de remettre le réacteur en service”, explique Alphonse Thiband-a-Tshish, l’un de ses membres.

“Toutes les barres d’uranium sont là. Les inspecteurs de l’AIEA visitent le site, détectent les problèmes, et nous en informent.”

Forte de cet optimisme, la Commission a signé en novembre un accord de coopération avec la firme britannique Brinkley Mining [2] pour utiliser le réacteur à des fins de prospection d’uranium.

Les conditions de travail se sont en outre améliorées depuis que l’AIEA a pu avoir accès au site et mettre en place des programmes de sécurité. Des réparations et de nouvelles salles de contrôle ont été financées par l’Agence, et de nouveaux laboratoires ont été créés avec l’aide d’universités étrangères.

Pourtant, si l’on en croit les rapports de l’AIEA, la Commission ne satisfait pas encore à tous les critères de sécurité, notamment en matière de protection contre les radiations. Mais M. Thiband-a-Tshish nie l’existence de la moindre menace. “Trois personnes sont en possession de chacune des trois clés nécessaires pour accéder au réacteur ; et nul ne connaît leur identité. Et, les murs ayant une épaisseur d’un mètre, je ne pense pas qu’il soit possible de passer au travers.”

Source The Guardian

Transmis par Linsay


[1Le maître mot est lâché. NDLR

[2Le commerce a ses raisons que la sécurité ignore !NDLR



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