Industrie du luxe : l’envers du décor

dimanche 10 décembre 2006
popularité : 4%

Sous la mousseline, la haute couture cache ses traditionnelles petites mains
Et, derrière le lustre des grands hôtels, s’active un personnel trié sur le volet.
Alors, privilégiés, ces employés ?
Loin de là.
Car dans ces maisons de prestige, la pression liée à la quête du profit est permanente.

Trouvez l’intrus : lequel de ces mots ne fait pas partie de l’univers du luxe ? Hermès, bon salaire, Dior, prolétaire, palace.

Vous avez trouvé ?

Eh oui, il s’agit de « bon salaire » et non pas de « prolétaire ».

En effet, l’industrie du luxe - comme toute industrie qui se respecte - a elle aussi ses prolos payés au Smic.
Mieux : les salariés dits « de base » y sont plutôt moins payés qu’ailleurs.

La cliente qui achète un petit sac de rien du tout à 3 000€ chez Trucmuche de la Brosse ne peut même pas concevoir que la vendeuse hyperclasse qu’elle a en face d’elle gagne, en début de carrière, la même chose que l’employée de la solderie du coin.Ce serait d’une inélégance !

C’est pourtant souvent le cas.

On trouve beaucoup de petites gens dans le secteur du luxe, des smicards, des exploités - et même, comble de l’horreur des cégétistes. Comme quoi, il n’y a vraiment plus de valeurs...

Pas de relève.

L’incarnation même de ces « petites gens », c’est la petite-main de haute couture.

On l’imagine oeuvrer dans un environnement empreint de tradition, petite cosette si fière de travailler pour une grande maison, entièrement dévouée à un patron-créateur génial et capricieux ou génial et paternaliste (au choix).

Le tout pour un salaire dont la modestie est largement compensée par l’immense bonheur d’assister au défilé - debout en coulisses- et d’y contempler le plastron qu’elle a mis deux cents heures à broder et rebroder de perles.

Cette accumulation de poncifs n’est pas si éloignée de la réalité.
A ceci près que les « premières mains » (c’est ainsi qu’on les appelle) sont majoritairement des intérimaires, et que leurs émoluments sont moins modestes.

Une première main peut facilement gagner 3 000€ net pour un mois de travail - beaucoup plus pour celles qui acceptent de travailler de nuit et le week-end.
« Elles doivent être opérationnelles tout de suite, accepter de travailler dans l’urgence : parfois, une heure avant le défilé, elles travaillent encore sur des vêtements », raconte Bernadette Scanvion, directrice de Modelor, une agence d’intérim spécialisée dans la mode et le luxe.

Très demandées, elles sont souvent « réservées » par les couturiers d’une saison sur l’autre. Parce qu’elles sont de moins en moins nombreuses.

"La plupart d’entre elles ont plus de 50 ans, poursuit Bernadette Scanvion. Elles ont souvent travaillé pour de grandes maisons, aux côtés de couturiers comme Gianfranco Ferré, Emmanuel Ungaro, Hubert de Givenchy...Je suis inquiète pour la relève : il n’y en a pas, ou presque.
On va finir par faire travailler des gens à la retraite."

La saisonnalité du métier - janvier et juillet pour la haute couture, octobre et mars pour le prêt-à-porter- n’est pas en cause. [1] Même après les défilés, les couturières ont du boulot : il faut refaire les modèles en les adaptant aux mensurations des richissimes clientes des maisons de haute couture ou à celles des stars qui jouent les portemanteaux people. Ainsi, en ce moment, elles travaillent déjà sur les robes commandées pour les célébrités qui se rendront aux prochaines cérémonies des Césars et des Oscars ;

« Le vrai problème, c’est qu’on n’en forme presque plus, » constate Marie-Jo Cerdan, responsable du département production de SKI Mode&Luxe, l’autre grosse agence d’intérim spécialisée.

« Une mécanicienne modèle (moins qualifiée qu’une première main) gagne au minimum 2 300€ brut mensuels pour 35 heures par semaine. Mais les filles veulent toutes être stylistes. » RESULTAT : s’il n’y a pas de chômage chez les premières mains, les stylistes galèrent.

Il suffit de consulter les offres d’emploi : on ne propose aux jeunes stylistes que des stages, peu ou pas rémunérés, dont la plupart ont peu de chances de déboucher sur un emploi.

C’est l’un des paradoxes du secteur du luxe : les métiers les plus techniques sont plus prisés que les formations dites « prestigieuses ».

Il en va de même pour les vendeuses. A les voir, jeunes, minces et belles (ou beaux), brushés (e)s de frais, manucuré(e)s, parfaitement maquillé(e)s, souvent vêtu(e)s avec bien plus de recherche et d’élégance que leurs clients, il est difficile de croire qu’elles (ils) ne gagnent pas toujours beaucoup mieux leur vie que leurs homologues des enseignes plus populaires.

Pourtant, ici comme ailleurs, le salaire de base, c’est le Smic (1 254,28€ brut mensuel), « Quand on leur propose 1 500€, c’est déjà bien », explique un recruteur avant de constater :

« Ce ne sont pas toujours les très grandes marques qui paient le mieux. »

Hermès est ainsi réputé pour sa radinerie - ce qui n’est pas le moindre de ses points communs avec la très haute bourgeoisie française qui constitue son fonds de clientèle...

Vendeurs trilingues BAC + 5 !

En revanche, les exigences, elles, sont inversement proportionnelles aux salaires - c’est-à-dire énormes.

"Dans le luxe, il faut être beau, mince, intelligent, avoir un excellent relationnel et un look irréprochable.
C’est ainsi que j’ai vu des candidates refusées parce qu’elles n’étaient pas correctement manucurées"
.

Il faut évidemment parler couramment l’anglais, voire une seconde langue (arabe, russe, coréen, etc.)
« L’anglais courant est impératif, la maîtrise du mandarin, du japonais,du coréen et du russe appréciée », précise ainsi une annonce pour un poste de vendeur à temps partiel chez Louis Vuitton.

« Et en plus, certains veulent maintenant des vendeurs à bac + 5 sous prétexte qu’ils s’expriment mieux » Il s’en trouve, de ces oiseaux rares, et même beaucoup. Ils sortent d’écoles de commerce, ils ont étudié le marketing du luxe, parfois fait un MBA. Mais pas de boulot.

Alors, en attendant de trouver le job de leurs rêves (directeur marketing chez Dior), ils sont vendeurs.
« Une vendeuse de chez Vuitton ne se dit pas : »Je suis vendeuse« , mais  »Je travaille chez Vuitton", explique un représentant syndical.

C’est le génie des employeurs du secteur du luxe que de jouer sur la fierté des salariés, et sur leur identification à la marque pour laquelle ils travaillent.
D’où la difficulté de rencontrer des vendeurs qui acceptent de parler de leurs conditions de travail : tout ce qui peut nuire à l’image de la marque peut-être nuisible à leur propre image de marque.

Dans les grands magasins aussi...

Même les salariés des grands magasins, nettement plus syndiqués, ont du mal à se départir du petit air de fierté qu’adoptent la plupart des vendeurs lorsqu’ils parlent de l’enseigne qui les emploie : « On n’est pas mieux payées qu’à Monoprix, mais quand on dit qu’on travaille aux Galeries, on a plus de considération », explique une employée (et déléguée syndicale) des Galeries Lafayette.

Après trente-cinq ans de maison, elle gagne 1 100€ net par mois. « L »autre fois, je sortais une montre pour un client, et je me suis dit : « Tiens, elle coûte deux fois mon salaire », raconte-t-elle, amusée.

A la différence des « démonstratrices », qui travaillent dans les grands magasins mais sont salariées par les grandes marques, les vendeurs et vendeuses employés par les Galeries Lafayette (sauf ceux des rayons radio-télé-hi-fi et électroménager) ne perçoivent pas de commission - ici, on appelle cela la guelte.

« C’est vrai,les démonstratrices ont des gueltes, mais du coup leur salaire fixe est en dessous du Smic, explique un vendeur. Et même si 60% d’entre elles ne gagnent pas trop mal leur vie, on n’envie pas leur sort : Celles qui assurent les nocturnes sont rarement des volontaires. C’est souvent contraintes et forcées qu’elles travaillent les dimanches et jours fériés lors des ouvertures exceptionnelles. Et il n’est pas rare qu’elles bossent sept jours sur sept : elles »oublient« simplement de pointer le septième jour et s’arrangent avec leur employeur ».

Placer des cartes de crédit.

Pour autant, le personnel des Galeries Lafayette ne se félicite pas de son propre sort. Depuis quelque temps, la direction exige des vendeurs qu’ils fourguent aux clients des cartes de fidélité - qui sont aussi des cartes de paiement et de crédit revolving. "On touche 4€ brut par nouvelle carte, explique une vendeuse. Et tous les jours, au briefing, on nous donne un quota de cartes à placer.
Alors que ça ne fait pas partie de notre travail. Le pire, c’est que le placement de cartes sert aussi à nous évaluer."

Ceux qui en casent beaucoup sont mieux notés. Et toucheront donc une « prime sur évaluation » (ou prime de force de vente« ) plus élevée.  »A l’inverse, quand on ne place pas assez de cartes, on est mal vus. On est moins bien traités. Par exemple, on a moins de chances de voir ses souhaits de dates de vacances respectés".

Dans certains magasins, les méthodes s’inspirent carrément du management à la MCDo et ses fameux « employés du mois » : le nombre de cartes placées par chacun est affiché à l’entrée des vestiaires.

Et le gagnant de la semaine se voit offrir un petit déjeuner -« ou un kebab ».

Pas très classe pour le « temple du luxe à la française »...

« Bonjour, madame, bonjour, monsieur. »

Au George-v (600 salariés, 245 chambres, 710€ minimum la nuit), le palace parisien sacré « meilleur hôtel du monde » l’an dernier, aucune chance d’entendre un trivial : « Bonjour, messieurs-dames. »

L’auteur d’une telle hérésie serait d’ailleurs immédiatement mis à pied. Ça se passe comme ça, chez Four Seasons, le géant mondial canadien de l’hôtellerie de grand luxe. Pourtant, la première phrase que prononcent les salariés du palace lorsqu’on les interroge sur leurs conditions de travail, c’est : « Nous sommes un peu privilégiés ».

De fait, pour s’attirer le gratin des femmes de chambre, le top des concierges, le haut du panier des portiers, le George-v n’a pas mégoté sur les salaires :

"On a les meilleurs salaires de la place de Paris : en moyenne, on est payés 10% de plus qu’ailleurs. En plus, nous avons un trizième mois, une participation et un intéressement.

Le revers de la médaille, c’est une énorme pression. D’ailleurs, ici, les gens ne font pas carrière : « quand ils ont tenu cinq ans, c’est déjà bien. »

Selon certains membres du personnel, cette « pression » s’apparente à un véritable flicage. Ainsi, expliquent-ils, la direction n’hésite pas à envoyer des médecins chez les salariés en arrêt-maladie pour vérifier qu’ils ne tirent pas au flanc. « Nous sommes continuellement surveillés, se plaint un employé. Et au moindre couac, c’est la mise à pied ».

Malheur à la femme de chambre qui croise un « client mystère » (ces faux clients payés par les hôtels pour vérifier la qualité du service et tout cafter à la direction) dans le couloir et qui a le mauvais goût de ne pas lui sourire : elle sera convoquée chez le dirlo dans l’heure. « C’est facile de trouver une faute, explique un salarié : vous avez dénigré l’hôtel devant vos collègues, vous avez été vu en train de parler à des copains dans un couloir...La direction sait pertinemment qu’elle perdra aux prudhommes. Mais, elle s’en fiche : ce qui compte, c’est que les autres salariés comprennent qu’on peut virer n’importe qui du jour au lendemain. »

Les directeurs des grands hôtels arguent que la qualité du sevice et la pleine satisfaction du client sont à ce prix. Quant aux employés du George-v, ils disposent d’un argument massue : « Ailleurs, les gens sont encore moins bien traités. »

Le 15 octobre 2003, les clients très cosmopolites de l’hôtel Méridien-Montparnasse sont témoins d’une scène inédite : dans le hall de l’élégant quatre étoiles, les femmes de chambre en blouse à rayures ont troqué balais et chiffons à poussière pour des piquets de grève.

Soutenues par les réceptionnistes, les bagagistes, les militants FO et CGT, et brutalement contenues par un cordon de vigiles embauchés en renfort, elles manifestent bruyamment leur colère.

« Méridien augmentez nos salaires », « Direction, démission » !
Ces galériennes du ménage gagnent, au mieux, 1 300€ par mois. Chacune d’elles nettoie à fond 16 chambres par jour, charrie 50 kg de sacs de linge sale dans les dédales de couloirs... Après dix-huit jours de conflit, la direction, craignant la mauvaise pub, finira par accorder aux employés une prime de 800€ et une augmentation de 3% pour les plus bas salaires.

La grève du Méridien fera date, et école. Le 20 septembre 2006, c’est au tour des clients de l’hôtel Concorde Lafayette d’écarquiller les yeux : vacarme, tam-tam et drapeaux rouges de la CGT. Affolée, la direction n’attendra pas que le conflit s’enlise. Il sera expédié en six jours et les salariés reprendront le travail le 26 septembre avec en poche diverses primes, la promesse d’une cinquantaine d’embauches et, cerise sur le gâteau, le paiement de la moitié des jours de grève. Très classe...

Horaires au jour le jour.

Changement de décor : le mythique casino d’Enghien-les-Bains, au nord de Paris, ses deux hôtels et ses thermes appartiennent au groupe Lucien Barrière (hôtels de luxe et casinos). La gestion du personnel (756 CDI) y est moins « américanisante » que celui du Four Seasons, mais l’arrivée du groupe Accor(Sofitel, Novotel, Mercure, Ibis), partenaire de Barrière depuis 2004, ainsi que la création d’une salle de machines à sous dans ce casino historiquement dévolu aux jeux traditionnels, ont, selon les salariés, considérablement modifié la donne.

« Tout a changé depuis l’alliance avec Accor, explique Yasmina Ruellan, membre du service des ressources humaines et déléguée syndicale CGT. Les effectifs se réduisent de jour en jour. Par exemple, il y a trois fois moins de caissières le samedi soir. Du coup, les clients font la queue »

Les conditions de travail des salariés se sont aussi dégradées. Les horaires - déjà difficiles dans ce secteur - sont constamment modifiés. « Hier,raconte une hôtesse, une heure avant ma prise de service, on m’a demandé d’assurer aussi l’horaire de nuit. Bien sûr, on peut refuser, mais on essuie des réflexions désagréables »

« Les horaires sont quasiment établis au jour le jour, explique un maître d’hôtel. On ne nous consulte pas pour fixer nos journées de récupération. On ne nous demande même plus quelles sont nos préférences. On est gérés comme au McDo. »

Heures supplémentaires accumulées, horaires compliqués, multiplication des tâches - les maîtres d’hôtel passent l’aspirateur dans les salles de restaurant des hôtels faute d’équipes de nettoyage suffisantes salaires minimum : c’est le lot commun des salariés de l’hôtellerie-restauration qu’elle soit de luxe ou pas.

Mais ce n’est pas cela qui chiffonne le plus les employés d’Enghien. Ce qui les afflige, c’est l’impression d’avoir chuté d’un cran sur l’échelle de la grande classe... « Avant, on travaillait dans une entreprise familiale, explique Karim, salarié d’un des hôtels. Avec l’arrivée d’Accor, ça s’est industrialisé. Chez eux, ils ne savent pas ce que c’est que le luxe. Nous on sait : les Festivals de Cannes et de Deauville, c’est chez nous que ça se passe ! Et nos dirlos à nous, ils sont classe. Celui d’Accor, on dirait un VRP ; si vous voyiez ses costumes ! »

L’arrivée des accros du bandit manchot n’est guère plus populaire. Katia, hôtesse d’accueil, constate amèrement :
« La qualité des joueurs a changé depuis l’arrivée des machines à sous. On a vu apparaître une clientèle de RMIstes, de chômeurs, de retraités qui viennent passer leurs journées ici, sur les machines. » [2]

Amel, ancienne salariée, est encore plus sévère. Hôtesse-valet de pied (chargée de vider les cendriers et de veiller à la bonne tenue des tables) payée au pourboire dans la salle de jeu traditionnelle, puis vestiaire, la jeune femme s’est retrouvée « steward » dans une salle des machines à sous. « Une rétrogradation », dit-elle, à la suite d’un différend avec la direction.

Les stewards préparent des boissons et les servent en salle aux clients des machines à sous auxquels le casino offre à boire afin qu’ils n’aient pas à quitter leur place (au cas où ils se mettraient à réfléchir tandis qu’ils arpentent les quelques mètres qui séparent leur machine du bar).

« Je suis passée du luxe au souk, explique Amel : Les clients des machines à sous ne sont pas des clients de casino. On dirait des gens de dehors. Ils n’ont aucune éducation, ils essaient de peloter les serveuses, certains nous insultent ».

"Aux jeux de table, c’est bien d’être serveuse. Et les pourboires sont motivants. Aux machines, on est rien : On est des déchets au SMIC à vie, sans possibilité d’évoluer.
Et les clients ne sont pas beaucoup plus respectés que nous : On sert les boissons gratuites en priorité à ceux des machines à 20€. Même s’ils ont trop bu. Mais on ne va jamais dans la zone des 50 centimes. Ceux-là, ils peuvent attendre leur consommation pendant des heures. Et ils se vengent sur nous".

Plus encore que la baisse de salaire (elle gagnait plus aux pourboires), c’est la baisse de standing qui a affecté Amel, à l’instar de ses collègues, qui, tous, regrettent l’ouverture de la salle des machines à sous. Et ce n’est pas du pur snobisme : le prestige de l’établissement pour lequel ils travaillent, c’est leur assurance contre le chômage.

"Les salariés du luxe ne sont pas mieux payés que les autres, loin s’en faut, explique un DRH.
En revanche, ils acquièrent un savoir-faire et une expérience qui constituent une excellente carte de visite.
C’est une école : les gens acceptent d’être traités à la dure parce qu’ils apprennent beaucoup. Soit ils progressent peu à peu dans leur secteur, soit ils peuvent facilement briguer des postes supérieurs dans le non-luxe. Peu d’entre eux se retrouvent sur le carreau".

On se remonte le moral comme on peut...

Source Marianne

Transmis par Linsay


[1Est ce bien sur ? On parle tout de même de salarié-e-s en intérim...NDLR

[2Nous n’avons jamais mis les pieds dans un casino donc difficile de contredire mais tout de même des rmistes qui « passent leur journée » dans un endroit pareil : c’est difficile à croire ! Peut être aux machines à 50cts ? NDLR



Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur