« Napoléon le tout petit »

vendredi 7 août 2020
par  Francis Arzalier
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« Napoléon le petit » : c’est ainsi que Victor Hugo avait surnommé Napoléon III après le Coup d’État qui en 1851 le rendit Maitre de la France en tuant la République. Une façon de dire que le neveu putatif n’était guère qu’un pâle imitateur du premier Empereur Bonaparte. Mais la mode après lui s’est perpétuée jusqu’à nos jours de ces politiciens qui rêvent en toute immodestie de revêtir à leur tour le costume du Grand Conquérant, ne serais ce que pour faire oublier un moment leurs échecs intérieurs. Notre Président Macron est de cette cohorte : mal élu de 2017, mal aimé de 2020, il veut se refaire une audience perdue en jouant les chefs de guerre, en cultivant les nostalgies nationalistes et coloniales d’un certain nombre de Français.

Depuis le début de son règne, il a continué et renforcé l’intervention militaire française en Afrique sahélienne, Mali, Niger, Burkina, une aventure sans issue à la poursuite de "djihadistes", qui n’a réussi qu’à aggraver dans ces malheureux pays l’insécurité, la délinquance, le fanatisme intégriste et éthniciste. La situation au Mali, où une véritable insurrection populaire pacifique exige le départ d’un Président corrompu soumis aux ordres de Paris, montre l’enlisement total de cette ingérence guerrière parrainée par notre "Napoléon le tout petit".

Qui n’en démord pas toutefois, puisqu’il réaffirme à tout instant sa volonté de poursuivre et amplifier sa croisade au Sahel. Ce vêtement trop grand pour lui de chef guerrier, il n’a pas hésité non plus à s’en revêtir de façon incongrue contre Le Coronavirus, avec les résultats discutables que l’on sait, en clamant dès le premier jour : " Nous sommes en guerre ! "

Après tout, il ne faisait là que remettre ses pas dans ceux de ses prédécesseurs à la Présidence française, notamment Nicolas Sarkozy, qui, en 2011, écrasa glorieusement sous les bombes l’État national de Libye, au profit des factions armées éthnicistes et intégristes, qui, 9 ans plus tard, s’en disputent en kalachnikovs les lambeaux. Digne héritier de Sarkozy, Macron ne manque pas d’engager la France dans ce sanglant pugilat, en soutenant l’un des protagonistes (le plus proche des puits de pétrole !) et en s’opposant à quelques autres prédateurs, les Turcs par exemple. Car tous ces jeux de guerre opposent entre eux des Impérialismes seconds, tout aussi avides de profits et de zones d’influences, et tout aussi méprisants des intérêts des peuples concernés.

Et ce grand Monopoly qui pue le sang et la mort d’innocents vient de s’étendre le 4 aout à un pays nouveau, le Liban, déjà traumatisé par une crise économique et sociale grave, née à la fois du flot énorme de réfugiés chassés par la guerre de Syrie ou de Palestine, et d’un État paralysé par le confessionnalisme et corrompu.

Le 4 août 2020, dans le port de Beyrouth qui est le poumon essentiel de cette nation qui importe presque tout, un dépôt de 2700 tonnes (!) d’explosifs (le nitrate d’ammonium, déjà responsable de l’explosion d’AZF à Toulouse) a sauté, détruisant une bonne partie de la capitale, tuant par centaines et blessant par milliers. Ce peuple ravagé mérite évidemment qu’on l’aide, et que l’État français se mobilise pour cela, les organisations caritatives comme Secours Populaire ou Secours Catholique le font déjà.

Mais ce n’est pas simplement pour annoncer cette aide matérielle française que le Président Macron s’est précipité à Beyrouth. Ses discours largement diffusés en France et dans le monde occidental ont claironné devant des foules affolées et en colère que " l’aide Française était conditionnée : les dirigeants libanais devront accoucher rapidement d’une "véritable refondation politique " ( ? ), que contrôleront les puissances ( européennes notamment ) conviées par la France a une conférence internationale ! ! »

Une annonce brutale d’ingérence dans les orientations du futur gouvernement libanais, comme si le pays était retourné à l’époque coloniale, où la France exerçait au Liban un mandat, sous le couvert de la SDN de 1920. !
Une ingérence d’autant plus choquante qu’elle s’est accompagnée de l’annonce de l’envoi sur les côtes libanaises d’un navire porte-hélicoptères pourvu de moyens militaires plus qu’humanitaires !

Bien sûr, cette nouvelle initiative de notre Président a immédiatement trouvé d’enthousiastes soutiens, ce qui était le but recherché, parmi les nombreux idéologues nationalistes et colonialistes Français. Ainsi dans les télévisions dont c’est la pensée dominante.

Dès le 5 aoùt, lors d’un débat sur LCI, le "philosophe " des salons de Beaux Quartiers parisiens Bernard Henry Lévy retrouvait ses accents virulents lors de la croisade de Sarkozy contre la Libye en 2011. Entre deux envolées enthousiastes en l’honneur du Président Macron, qui " a eu le courage d’intervenir au Liban", cet épigone de l’Impérialisme occidental proclamait haut et fort que " le devoir d’ingérence était devenu la loi de la Communauté Internationale depuis 20 ans !"

Est-ce à dire que les discours de Macron sont les prémices d’une intervention militaire comme en Libye ? Nul ne peut le dire aujourd’hui, car le peuple libanais aura son mot à dire, qui ne sera pas obligatoirement celui de la diplomatie occidentale et Française, désireuse surtout d’éliminer du Moyen Orient les forces anti-impérialistes comme le Hezbollah, et leurs soutiens iraniens ou chinois.

Le risque est en tout cas réel d’un nouveau conflit guerrier au Moyen Orient, d’un engrenage meurtrier initié par l’aventurisme verbal et électoraliste de notre " Napoléon le tout petit", soutenu par cette partie de l’opinion française imprégnée d’esprit colonial.

Savez-vous qu’une pétition lancée par le site d’inspiration nord-américaine AVAAZ a recueilli plus de 40 000 signatures prônant le rétablissement du mandat colonial français au Liban ? !

Solidarité avec les travailleurs libanais, pour une renaissance de leur état national, débarrassé de toute ingérence impérialiste.



Commentaires

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lundi 10 août 2020 à 17h42 - par  Dalmasso

La mauvaise image des contres révolutionnaire obscursisse et continu d’obscursir notre paysage politique.
Il ne faut pas que le malheur des uns profite aux opportunistes.
Je pense qu’un grand débat citoyens devrait avoir lieu et que nos politiques tiennent compte de l’avis du peuple.
Guy

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