Le paludisme tue plus d’un million de personnes par an....

mercredi 25 mai 2005
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Un rapport qui fait froid dans le dos

Pas de sous contre le palu. Les fonds consacrés à la lutte contre le paludisme demeurent dramatiquement insuffisants.
La maladie tue aujourd’hui plus d’un million de personnes par an dans le monde, dont 89 % en Afrique, selon le rapport mondial publié hier par l’Organisation mondiale de la santé et le Fonds des Nations unies pour l’Enfance (Unicef).
Si des progrès ont été faits dans l’accès à la prévention et aux traitements, les organisations relèvent que 3,2 milliards de dollars par an (dont 2 milliards pour l’Afrique) seraient nécessaires pour lutter efficacement contre le fléau. Soit cinq fois plus que les « 600 millions de dollars » disponibles cette année.

L’Humanité du 4 mai 2005.

COMITÉ OMS D’EXPERTS DU PALUDISME
Vingtième rapport

La situation actuelle du paludisme dans le monde

A l’heure actuelle, près de 100 pays ou territoires sont considérés comme impaludés, dont près de la moitié en Afrique, au sud du Sahara. Même si ce nombre est très inférieur à ce qu’il était au milieu des années 50 (140 pays ou territoires), plus de 2, 4 milliards de personnes dans le monde sont encore exposées au risque.

On estime que l’incidence du paludisme dans le monde est de 300 à 500 millions de cas cliniques chaque année, dont environ 90% se produisent en Afrique subsaharienne - la plupart étant dus à P. falciparum. Le paludisme1 tue semble-t-il entre 1,1 et 2,7 millions de personnes dans le monde chaque année, dont environ 1 million sont des enfants de moins de 5 ans résidant en Afrique subsaharienne. Cette mortalité juvéno-infantile, qui résulte principalement d’un neuropaludisme et de l’anémie, contribue à près de 25% à la mortalité juvéno-infantile générale en Afrique. Des taux de létalité de 10 à 30% ont été observés chez des enfants transférés à l’hôpital avec un paludisme grave, mais ces taux sont encore plus élevés dans les régions rurales ou écartées où les malades n’ont guère la possibilité de se faire soigner convenablement. Dans les pays qui n’appartiennent pas à l’Afrique subsaharienne, les décès pour cause de paludisme se produisent principalement chez les personnes non immunes qui contractent une infection à P. falciparum dans des zones où il n’existe pas de possibilités de diagnostic et de traitement.

L’une des plus grandes difficultés de la lutte contre le paludisme à l’échelle mondiale tient à la propagation et à l’intensification de la résistance des parasites aux antipaludéens. Ces produits étant en nombre limité, il est de plus en plus difficile de mettre sur pied des politiques relatives à ces médicaments et de prendre en charge la maladie comme il le faudrait.

La résistance de P. falciparum à la chloroquine est désormais un fait courant en Afrique dans presque tous les pays d’endémie palustre, mais plus particulièrement en Afrique de l’Est, ce qui pose de plus en plus de problèmes pour trouver un traitement convenable. Cet état de fait a conduit le Malawi et le Kenya respectivement en 1993 et 1996 à modifier leurs recommandations concernant les antipaludéens à utiliser en première intention en cas de paludisme sans complication, à savoir de substituer l’association sulfadoxine/pyriméthamine à la chloroquine. Le Botswana et l’Afrique du Sud ont également revu leurs directives thérapeutiques en 1997.

La résistance à l’association sulfadoxine/pyriméthamine, qui est le principal substitut de la chloroquine, est très répandue en Asie du Sud-Est et en Amérique du Sud. Des informations récentes en provenance du Kenya et de la République-Unie de Tanzanie incitent à penser qu’il se produit une évolution dans la sensibilité du parasite à la sulfadoxine/pyriméthamine, ce qui pourrait présager l’apparition d’une résistance clinique. La résistance à la méfloquine est désormais courante à la frontière de la Thaïlande avec le Cambodge et le Myanmar. La sensibilité des parasites à la quinine est également en recul dans plusieurs autres pays d’Asie du Sud-Est et de la région amazonienne, où cet antipaludéen est utilisé en association avec la tétracycline pour le traitement du paludisme sans complication. Cette situation conduit à utiliser de plus en plus en première intention l’artémisinine et ses dérivés dans certaines de ces régions.

On signale désormais une résistance de P. vivax à la chloroquine en Indonésie (Irian Jaya), au Myanmar, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et au Vanuatu. Il y a quelquefois également résistance croisée à l’amodiaquine.

On a récemment confirmé la présence d’un nombre croissant d’épidémies de paludisme dans l’ensemble du monde et particulièrement en Afrique. Ces épidémies se déclarent dans des zones où les conditions habituelles, qui limitaient normalement la transmission, se modifient radicalement par suite de précipitations anormales, de longues périodes pendant lesquelles l’humidité et la température sont plus élevées, ou d’une évolution plus durable du microclimat due à la mise en place de réseaux d’irrigation, de projets agricoles ou de plantations arboricoles.

Le paludisme urbain et périurbain est en progression en Asie méridionale et dans de nombreuses régions d’Afrique. Les con- flits militaires et l’agitation sociale, conjugués à des modifications défavorables du milieu, sont en grande partie responsables de ces épidémies, car elles entraînent des déplacements vers les zones impaludées d’un grand nombre de réfugiés non protégés, non immuns et physiquement affaiblis. Ces mouvements de population entraînent à leur tour de nouvelles flambées de paludisme et rendent encore plus explosives des situations déjà favorables aux épidémies.

La concentration des exploitations minières d’or ou de pierres précieuses dans les zones forestières d’Amérique du Sud ou d’Asie du Sud-Est, où l’on observe un afflux ininterrompu de travailleurs migrants exposés à une transmission très importante du paludisme, conduit également à des épidémies. D’ailleurs, il s’agit là des foyers initiaux de la polychimiorésistance en dehors de l’Afrique subsaharienne.

Tout aussi inquiétante est la réémergence du paludisme dans des régions dont il avait été éradiqué (par exemple en République démocratique populaire de Corée, en République de Corée et au Tadjikistan), ou sa progression dans des pays où il était con- sidéré jusqu’ici comme pratiquement éradiqué (par exemple en Azerbaïdjan, dans le nord de l’Iraq et en Turquie). Les épidémies de paludisme qui se produisent actuellement dans la plupart de ces pays résultent d’une détérioration rapide des opérations de prévention et de lutte, dont les causes sont multiples.

Les effets économiques du paludisme sont particulièrement visibles dans les zones rurales où la maladie frappe souvent à une époque de l’année où l’agriculture a le plus grand besoin de main-d’Å“uvre. En outre, il est une cause habituelle d’absentéisme scolaire, qui peut parfois atteindre 28%. On estime que le coût direct et indirect du paludisme pour la seule Afrique dépasse 2 milliards de dollars des Etats-Unis.


1 Seul ou associé à d’autres maladies.



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