Au delà des textes (V) L’Europe sociale est-elle-possible ?

mardi 30 octobre 2012
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Nous poursuivons notre re-publication de la série parue en 2005 au moment de la bataille pour le NON...et dont l’actualité ne s’est (malheureusement) pas démentie.

Depuis les exemples de Fralib et d’Electrolux, pour ne s’en tenir qu’à ces deux délocalisations intra UE sont venues renforcer le propos...

Et si le gouvernement se hasardait à faire le choix de l’emploi contre les logiques des capitalistes européens, il « aurait la commission de Bruxelles sur le dos » comme le rappelle avec élégance Karel De Gutch, commissaire européen au commerce.

L’Europe sociale est elle possible ?

Où autrement dit « l’Europe oui, mais pas celle-là ».
Dans le camp du NON est répandue l’idée, du PS à l’ extrême gauche, qu’une autre Europe est possible.
Eh bien ça demande discussion !

Non pour diviser, non pour la jouer « plus de gauche que moi tu meurs » mais pour permettre aux citoyens, au-delà de ce NON à gagner ensemble, de réfléchir sur ce qu’on veut. Si les partisans de ce concept d’Europe sociale étaient rigoureux (voire courageux...) ils emploieraient le terme bien plus exact (mais bien moins crédible) d’Union Européenne sociale (encore la guerre des mots...)...difficile à vendre comme idée...

Quitte à être taxés anti européanisme primaire, nous émettons des doutes sur le fait que l’Union Européenne sociale soit possible en l’état. Pourquoi ?

D’abord il faut observer que les partisans de « l’Europe sociale » ont en commun une grande absente, la nation. C’est pour eux une étape dont il faut déjà tourner la page, une notion qui ne compte déjà plus.
Vu ce qui est écrit dans le 1er chapitre c’est aller un peu vite sur l’histoire, et sur le socle de résistance que constituent les nations.

L’histoire sociale nous démontre à intervalles réguliers que si des mobilisations européennes voire mondiales ont existé et n’ont pas été dénuées d’intérêt elles se sont traduites par l’absence de résultats concrets. C’est quand même au niveau national que se situe le mieux la résistance voire la conquête : l’Espagne sur l’assurance chômage, la France, l’Italie, l’Autriche sur la retraite, l’Allemagne sur l’assurance chômage et même les Pays Bas -ce qui est historique- sur les droits sociaux.

Ensuite si on parle « d’Europe sociale » un minimum de pragmatisme impose de partir de faits, même ténus : quel acquis social les dirigeants de l’Union Européenne ont donné aux salariés et populations en 50 ans ? A contrario la liste est longue des acquis sociaux rognés ou supprimés au nom de la construction de l’UE... En capitalisme, national ou international, aucun progrès social ne sera possible sans luttes et rapport de forces...

Et quel acquis social, des luttes européennes (et lesquelles...) ont permis de conquérir ? Comment, par exemple, gagner une harmonisation des salaires par le haut sur un territoire où ils vont de un à dix alors que ces différences de revenus sont justement une des armes des multinationales qui opèrent sur le continent pour mettre les salariés en concurrence entre eux par le biais des délocalisations ou des reculs imposés de droits sociaux ? L’exemple récent de cette entreprise alsacienne proposant « un reclassement à 110€ par mois » en Roumanie est éclairant de ce point de vue.

On a du mal à mobiliser au niveau d’une ville, d’une région, d’un pays et on y arriverait au niveau de l’Europe ? Est-ce que c’est une mobilisation européenne qui nous permettra de gagner à Lustucru ou à Nestlé ? Le rapport de forces est-il plus facile à construire dans 25 pays que dans un seul ?

Si on veut bâtir une Union européenne sociale il faut regarder avec lucidité le processus et les fondements de la construction en cours. L’ Union Européenne s’est constituée autour du marché du charbon et de l’acier, (ce qui a produit comme réussite la fermeture de toutes les mines françaises) et sa seule logique aujourd’hui est une logique capitalistique. Ce n’est pas une union des peuples, des états ou des nations, mais une union des multinationales, qui a besoin aujourd’hui d’un cadre politique et juridique au service de cette union là. Dans ces conditions il ne peut y avoir d’ « Europe sociale », ni de bonne constitution européenne, ni celle-là ni une autre.

Pour être crédibles les partisans de « l’Europe sociale » doivent sortir de l’incantation et poser clairement la perspective. Pour gagner l’Europe sociale il faut revenir à la source, c’est à dire revoir les fondements du Marché Commun, les traités qui ont suivi plus régressifs les uns que les autres, repenser les coopérations internationales sur d’autres bases : nous n’en sommes vraiment pas là !

Tout refus de voir cette réalité en face ou recul d’un millimètre sur cette notion est suicidaire pour la perspective de changement. Il est d’ailleurs amusant de lire dans la période le florilège des propos d’hommes politiques de tous bords tout au long de l’avancée de la construction européenne (voir brèves dans la même rubrique).

L’Europe oui mais pas celle-là est en fait l’acceptation de l’irréversibilité de cette construction-là. Puisque l’Europe politique et économique existe, que l’on ne peut revenir en arrière, essayons de la changer de l’intérieur.... Je ne peux pas révolutionner le système, j’en tente la réforme. C’est d’ailleurs l’argumentation que développe Rocard dans son plaidoyer pour le OUI : puisque le capitalisme a gagné nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter cette constitution. En ce sens partisans du OUI et du NON se rejoignent. La seule chose qui les sépare est le niveau d’imperfection acceptable de l’accord international appelé constitution.

Mais franchement qu’est qui est plus facile aujourd’hui ou plus exactement moins difficile, gagner un gouvernement progressiste en France, sortir de l’Union Européenne, imposer d’autres coopérations ou bien tenter de former une Europe progressiste constituée de 25 pays capitalistes ?

Sortir de l’Union Européenne ? Le grand mot est lâché. Est ce possible ? Souhaitable ? N’est ce pas suicidaire, voire le signe d’un enfermement dans un repli nationaliste ? Comment concilier internationalisme et refus de la construction Européenne ?}

L’histoire tranchera comme aurait dit un certain...



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Protectionisme, l'avertissement de Bruxelles

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